Xavier Grosclaude, le 15 novembre 2017

La réflexion sur la communication de l’Union européenne a longtemps été le parent pauvre de l’Union. Il a fallu attendre le premier choc de 2005 avec le rejet du Traité instituant une Constitution pour l’Europe et plus encore celui de 2016 avec le référendum britannique sur l‘activation de l’article 50 du Traité sur l’Union européenne pour qu’enfin l’Union daigne jeter un regard stratégique sur sa communication (ou plus précisément sur son absence de stratégie) pour la rendre politiquement efficiente.

Entre 2005 et 2016, il serait erroné d’affirmer que rien n’a été fait par la Commission européenne pour rectifier le tir mais la démarche fut brouillonne et insuffisamment  structurée  pour inverser une  tendance lourde au sein de l’Union à savoir la prolifération en libre circulation sur le net de contrevérités déclinées dans toutes les langues de l’Union (pas uniquement qu’en anglais…). 

Depuis 1957, la communication de l’Union européenne souffre de deux maladies congénitales diagnostiquées de longue date à savoir un traitement trop technique de l’information couplée à une approche favorisant la neutralité communicationnelle des institutions européennes. Sur ces deux fronts des progrès réels ont été accomplis ces derniers mois. 

En effet, la Commission européenne a compris que la neutralité communicationnelle n’était plus tenable face à la diffusion sur les réseaux sociaux de  « fakes news » à l’initiative de formations populistes des pays membre de l’Union mais aussi de pays tiers ouvertement hostiles, comme la Russie, au projet d’une Union européenne indépendante et puissante. 

De fait, la campagne des « décodeurs » lancée en 2016 est une évolution notable à souligner car même si elle reste par essence défensive, elle présente l’immense mérite de remettre les pendules à l’heure en revenant aux faits au détriment des fantasmes véhiculés depuis plus de dix ans par tous les démagogues europhobes.

Plus récemment, la création d’un « groupe d’experts de haut niveau » chargé de formuler des axes de travail pour contrer la diffusion de fausses nouvelles est aussi une initiative heureuse au même titre que la consultation publique lancée en direction de la société civile sur la désinformation en ligne.    

Par ailleurs, la Commission européenne a pris conscience de la « vacuité émotionnelle » de la communication européenne. Dans un monde drogué à l’émotion, les arguments juridiques et économiques ne peuvent plus être le moteur exclusif de la communication de l’Union. 

Aussi, outre l’élaboration d’un nouveau narratif, tout l’enjeu communicationnel des prochaines élections européennes est d’intégrer cette nouvelle donne émotionnelle en étant capable de conjuguer efficacement communication multicanale, communication locale et communication générationnelle sur une base forcement différenciée prenant en compte l’univers culturel de chaque pays. L’élaboration de messages packagés de manière uniforme pour tous les pays présente aujourd’hui une plus-value communicationnelle très faible. 

Dans un monde de customisation effrénée, l’heure n’est plus à la communication industrielle mais à une communication « chirurgicale » intégrant l’univers culturel de chaque pays pour mieux valoriser les apports de l’Union dans une optique de cohésion. L’erreur à ne pas reproduire est celle du moins-disant communicationnel consistant pour l’Union européenne à externaliser sa communication à des prestataires extérieurs sur un critère uniquement financier. Elle se doit au contraire de l’internaliser en disposant dans chaque pays d’une structure de communication interinstitutionnelle de combat suffisamment agile pour détecter les besoins communicationnels de chaque pays au regard des sujets fondamentaux traités par l’Union. 

La mise en réseau de ces structures dans les vingt-sept pays de l’Union permettrait à cette dernière d’avoir un outil de communication en phase avec la société civile des différents pays. L’Union disposerait aussi d’un outil de veille pour détecter les signaux faibles d’incompréhension ou de résistances pour chacun des pays membres. 

La nomination à la tête de ces structures de porte-paroles officiels de l’Union basés dans chacune des capitales européennes permettait d’augmenter la visibilité de l’Union européenne dans les médias nationaux mais aussi d’humaniser l’Union en ayant des « M / Mme Union » connus du grand public.          

Enfin, en termes de communication, l’usage quasi-exclusif de l’anglais, à l’oral comme à l’écrit, au sein des institutions de l’Union pour les communications officielles, n’est pas manifestement le meilleur moyen de démocratiser les sujets européens dans chaque pays membre et de les rendre transparents notamment auprès des citoyens les plus sensibles aux sirènes du populisme…

 

Xavier Grosclaude est Délégué Général de Fenêtre sur l’Europe
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