par Anna Sargsyan, le lundi 13 août 2007

Située à la croisée de l’Orient et de l’Occident, l’Arménie fait partie de la région du Caucase du Sud comme la Géorgie et l’Azerbaïdjan. Après soixante-dix ans d’histoire partagée avec les autres quatorze pays de l’URSS, l’Arménie a retrouvé son indépendance suite au référendum du 21 septembre 1991. Toute suite après l’effondrement de l’Union Soviétique et la proclamation de la République d’Arménie, un dialogue entre l’UE et ce jeune pays indépendant a été mis en place. Le degré et la nature de l’engagement de l’Union dans le pays et dans la région ont évolué au cours du temps. La dynamique des élargissements que connaît l’UE a contribué à l’évolution de la coopération entre l’Union et l’Arménie, cette dernière n’étant plus perçue comme lointaine et donc inintéressante pour les Européens. Les élargissements successifs (1er mai 2004 et 1er janvier 2007) ont rapproché de plus en plus ce petit pays du Caucase du Sud avec l’UE. En cas d’adhésion de la Turquie, éternel candidat, l’Arménie deviendrait un pays transfrontalier de l’UE.


Dès la chute de l’URSS, l’Arménie a pris le chemin de la transition démocratique dans un contexte difficile. L’UE a été un modèle pour l’Arménie. Nous pouvons nous demander en quoi l’influence de l’UE en Arménie affecte le développement de ce jeune pays indépendant. Quelles évolutions a connu la coopération entre l’Union et l’Arménie ? Ou encore, quelles sont les attentes des deux côtés vis-à-vis de cette coopération ?

Pour répondre à ces questions nous allons, dans un premier temps, analyser les seize ans de coopération UE-Arménie ainsi que leurs résultats. Nous allons ensuite essayer de comprendre quelles étaient les attentes et la perception de chacune des parties par rapport à cette collaboration.


Seize ans de coopération et leurs résultats


Depuis 1991, la présence de l’UE en Arménie s’est manifestée par une action humanitaire, notamment pour aider le pays à faire face aux conséquences du tremblement de terre de 1988. Par la suite, le programme d’assistance technique TACIS (1992) a pris la relève de l’aide humanitaire. L’assistance communautaire donnée à l’Arménie pour la période 1991-2006 représente plus de 380 millions d’euros .

Commençant par une aide humanitaire et technique, la coopération entre l’UE et l’Arménie a finalement abouti à l’intégration tardive de cette dernière dans la Politique Européenne de Voisinage (PEV) le 14 juin 2004. L’inclusion dans la PEV, une politique censée de structurer les rapports de l’Union avec ses nouveaux voisins, illustre bien l’intérêt croissant de l’UE à l’égard du pays.

L’assistance et l’influence européennes ont joué un rôle essentiel dans la transition démocratique de l’Arménie. Suivant les recommandations de l’UE ainsi que du Conseil de l’Europe, le pays a effectué un grand nombre de réformes afin de renforcer ses structures démocratiques. Parmi les réformes importantes nous pouvons citer l’abolition de la peine de mort par le Parlement arménien (le 9 septembre 2003) et les amendements apportés à la Constitution par la voie référendaire (le 27 novembre 2005). La réforme de la Constitution a permis une répartition plus équitable des pouvoirs au sein du gouvernement central.

Pour ce qui est de la transition économique, malgré le blocus économique imposé par la Turquie, le pays a montré une performance excellente : l’Arménie enregistre une croissance à deux chiffres depuis l’année 2002. Cette réussite est d’autant plus importante si on la compare à la situation économique extrêmement difficile des premières années d’indépendance.

L’Arménie a donc fait de progrès considérable en matière de construction étatique depuis son indépendance. Elle a entrepris une réforme économique et a mis en place les institutions nécessaires pour la démocratie et l’Etat de Droit. Néanmoins, dans certains domaines le pays ne satisfait pas encore aux normes européennes. Le renforcement des structures démocratiques est encore à faire. Nous pouvons mentionner par exemple la corruption qui reste un problème important malgré les efforts des autorités. De plus, l’UE et l’Arménie ne réussissent pas à trouver une solution acceptable pour les deux parties concernant la question de la sécurité nucléaire. L’UE veut obtenir la fermeture de la centrale nucléaire de Medzamor construite pendant l’ère soviétique et fournissant 40% de l’électricité du pays. L’Arménie se déclare ouverte à la fermeture de Medzamor à condition que des alternatives soient trouvées afin de ne pas affaiblir le niveau de sécurité énergétique du pays.


Perceptions et attentes de l’UE et de l’Arménie vis-à-vis de leur coopération


L’Union Européenne reste vague et encore indéterminée sur la nature du lien qu’elle envisage d’instaurer avec l’Arménie dans les années à venir. La division interne des Etats de l’Union, le manque d’alliés à Bruxelles ou encore la faible visibilité du pays peuvent expliquer l’absence d’une stratégie européenne globale.

On peut alors se demander quelles étaient les attentes de l’UE quand elle a décidé d’inclure l’Arménie, l’Azerbaïdjan et la Géorgie dans la PEV ? La PEV est une réponse aux aspirations d’intégration européenne des pays participants. Mais, est-elle un premier pas ou, au contraire, une alternative à l’élargissement ?

Selon la vision de l’Union, le Sud-Caucase est une zone aux frontières de la "nouvelle Europe" qu’il faut sécuriser. L’UE avait donc besoin de la PEV pour gérer les relations avec ses nouveaux voisins. Pour le moment, la sécurité de ses frontières est la première attente de l’UE vis-à-vis de la PEV, la question des élargissements n’étant pas à l’ordre du jour.

Pour les Arméniens, l’UE représente l’idéal d’une existence civilisée, où la prééminence de l’Etat de Droit et le respect des droits fondamentaux sont une réalité. L’Arménie est convaincue de la nécessité d’un partenariat actif avec l’UE. La PEV ouvre des opportunités considérables pour le développement du pays. L’UE offre un accompagnement pour la résolution du conflit de Haut-Karabakh, pour le renforcement des structures démocratiques et pour l’amélioration des relations avec ses voisins.

La volonté de devenir membre de l’UE fait consensus en Arménie. Pour les citoyens arméniens, leur appartenance à la civilisation européenne est une conviction. Ils espèrent que le partenariat renforcé avec l’Union va un jour déboucher sur une adhésion.


Conclusions


La PEV, répondra-t-elle aux aspirations de l’Arménie et aux attentes de l’Union ? En effet, nous avons noté une certaine incohérence entre les attentes de deux parties vis-à-vis de ce nouvel instrument européen. Cette coopération, est-elle basée sur un malentendu ? Mettant en place la PEV, l’UE a cherché de combler le vide sécuritaire à ses portes. De l’autre côté, l’Arménie a placé beaucoup d’espoirs dans la PEV, qui a été interprétée comme une étape préparant à un élargissement.

Les attentes du côté arménien semblent être démesurées en comparaison de ce qui lui est réellement offert aujourd’hui. Dans ce contexte, il sera difficile d’encourager le gouvernement arménien à entreprendre des réformes difficiles sans qu’il puisse entrevoir cette lueur d’espoir, comme cela a été le cas pour les pays d’Europe Centrale et Orientale. La perspective d’une adhésion est un puissant moteur de réformes, l’élargissement étant l’instrument de politique étrangère le plus efficace de l’Union.

Dans l’introduction du Plan d’action signé en novembre 2006, l’UE indique qu’elle "prend note des aspirations européennes exprimées par Arménie et épaulera le gouvernement arménien pour continuer à sensibiliser l’opinion publique au sujet de l’UE". Reste à savoir si l’UE pourra un jour donner satisfaction à ces "aspirations européennes" ou si les risques de frustration côté arménien sont inévitables.

















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