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par Panayotis Soldatos, le dimanche 04 novembre 2012

Issu d'un déterminisme historico-politique de l'après-guerre, le couple franco-allemand fut investi, par la volonté de ses dirigeants, les enseignements de l'histoire et la réalité du rapport de forces dans les Communautés européennes d'un rôle pivot, appelé à assumer les fonctions de «noyau-dur» et de moteur de la construction européenne. Ainsi ordonné sur cette mouvance dynamique de l'histoire, ce tandem de puissances présente, aujourd'hui, un bilan positif de six décennies d'intégration constante et gagnante dans le Vieux Continent et révèle ses marques de fécondité-longévité, même – étrangement diraient certains - dans des périodes de présence, à la tête des deux pays, de leaders d'affiliation politique différente (penser, notamment, aux cohabitations, politiquement contrastées mais particulièrement fructueuses, Giscard d'Estaing - Schmidt, Mitterrand - Kohl, Chirac - Schröder, malgré les débuts difficiles de ce dernier tandem) et malgré certaines asymétries sociétales des partenaires. Cela dit, pareille approche volontariste et performance intégrative soutenue du tandem manifestent, de nos jours, de réels signes d'essoufflement, accentués sous l'effet de la crise dans la zone euro mais puisant leurs sources profondes dans un processus d'évolution sociétale asymétrique au sein du tandem, ainsi menacé d'un découplage que provoquerait la permanence du «décrochage» structurel de la France, dont l'ataraxie-apraxie de dirigeants risquerait ne pas pouvoir endiguer.


1° En effet, nous vivons, au sein de l'Europe et du monde, de profondes mutations sociétales, internes et internationales, dont la réalité perceptuelle et situationnelle ne peut que créer, pour le couple franco-allemand, des pressions de découplage, malgré un volontarisme de ses dirigeants, encore affiché. À cet égard, on pourrait relever quelques facteurs qui fissurent le tissu de compatibilité des deux partenaires et réduisent leur poids décisionnel et d'influence directionnelle au sein de la zone euro et de l'Union européenne : les nouveaux rapports de forces dans une Europe élargie entraînent nécessairement, tant sur le plan quantitatif qu'au niveau qualitatif, un affaiblissement du poids du tandem franco-allemand; l'hétérogénéité accrue d'une Union à 27 membres et d'une zone euro aux réalités macro-économiques profondément asymétriques sécrète des courants désintégratifs plus complexes et ainsi plus difficiles à maîtriser par le couple; à 27, de nouvelles combinaisons de coalitions intra-européennes croisées de partenaires deviennent disponibles; la présence sur l'échiquier européen du Royaume-Uni, cherchant des articulations sélectives et à géométrie variable, tantôt avec la France, tantôt avec la RFA, sécrète des tentations, voire de pressions de découplage; la fin de la parité des deux pays au niveau du système institutionnel de l'UE, dans le parcours «constitutionnel» de Nice à Lisbonne (notamment, l'Allemagne réunifiée dispose de plus de députés au PE et pèse, par le volume de sa population, plus que la France dans la composante démographique de la règle de vote à la majorité qualifiée); le besoin d'intervention (désormais sous le Mécanisme européen de stabilité - MES) des pays de la zone euro en faveur de sa composante «Sud», fortement endettée et en déséquilibre macro-économique, donne à l'Allemagne, premier contributeur dans le prorata retenu, une capacité excédentaire d'influence; l'asymétrie de tissu socio-économique et de compétitivité qui sépare les deux pays, rend, désormais, difficile leur consensus sur le modèle de construction économique et monétaire de l'Europe à suivre et sur son positionnement international; l'écart croissant dans le degré de capacité interne des deux pays de créer, chez eux, un vaste consensus sociétal de réformes et de sacrifices afférents (avec un déficit sociétal français en cette matière) creuse les divergences; la meilleure maîtrise de la globalisation économique par le partenaire allemand l'éloigne des relents de protectionnisme auxquels est, en revanche, soumise la France, surtout en période de grande crise; la constitution, à la faveur de la zone euro, d'un sous-ensemble informel, géopolitiquement au Nord de l'Union, partageant l'approche de rigueur macro-économique de Berlin, perméabilise les rapports du couple et réduit son attractivité de cohabitation exclusive. Dans cette optique, il importe de prendre conscience de ces importants changements structurels-fonctionnels, intervenus au sein du couple, de l'Union européenne et de son environnement international, plutôt que de persister à privilégier, dans l'explication de ce processus de «décrochage», des phénomènes d'incompatibilité de personnalité et de déficit de volonté politique au niveau des leaders du tandem.

2° Aussi, ces éléments d'asymétries structurelles, d'ordre socio-économique, au sein du couple ainsi que ces mutations intra- et extra-européennes tracent-elles les limites du volontarisme des leaders politiques du couple et expliquent- elles (en dehors -- et en plus -- des carences et incuries décisionnelles des acteurs concernés) les divergences croissantes au sein du tandem franco-allemand. Dans cet ordre de raisonnement, il n'est nullement surprenant d'enregistrer le bras de fer du Président Hollande avec la Chancelière Merkel, dans le contexte de la crise dans la zone euro et des tergiversations-ambivalences des pays du Sud de l'Union, en déficit macro-économique et «bloqués» par l'absence de consensus sociétal dans leur marche vers les nécessaires réformes structurelles, à caractère socio-économique : les positions du Président français en faveur de certaines formes de mutualisation des dettes extérieures et d'évolution des rôles de la BCE, son refus de considérer l'approfondissement institutionnel et d'union politique avant l'accomplissement de l'union budgétaire, de l'union bancaire et de l'union sociale, en nette divergence avec les thèses de l'Allemagne, les grincements souverainistes chez une partie de la coalition gouvernementale française avant et lors de la ratification – in fine effectuée -- du Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l'union économique et monétaire (ci-après, traité budgétaire) comportent le risque de nouveaux «décrochages». Plus particulièrement, la position «l'union socio-économique, avant l'union politique» est, à notre avis, contraire à la rationalité et à la légitimité décisionnelle, comme l'a démontré, depuis le traité de Maastricht, le parcours d'une union monétaire sans gouvernance politique réellement supranationale et, également, l'arsenal institutionnel-décisionnel (FESF, MES, traité budgétaire et, bientôt, autorité de l'union bancaire), échafaudé dans l'urgence de la crise dans la zone euro et plongé dans les cacophonies de l'intergouvernementalisme. Refuser de considérer, à ce stade-ci, le «Master Plan» de gouvernance politique de Schäuble serait courir le risque de la prolongation de la crise dans la zone euro, voire de sa désintégration : une fois les mécanismes intergouvernementaux de l'union budgétaire et bancaire mis en place et en opération, il serait beaucoup plus difficile de s'attendre à leur mutation vers des schémas supranationaux.

3° En somme, le processus de revitalisation du rôle pivot du couple franco-allemand va au-delà de la nécessaire convergence des volontés politiques des élites dirigeantes et de leur acceptation du coût politique afférent : il présuppose la convergence économique d'ordre structurel des deux sociétés, pour en faire le moteur d'entraînement de l'ensemble de la zone euro et de l'Union vers une compétitivité stable et gagnante au sein de l'économie globalisée. Pareille convergence n'aurait pas les attributs de rapidité, d'efficacité, de durée et de légitimité, si elle ne disposait pas d'assises institutionnelles-décisionnelles de gouvernance économique supranationale : la taille et l'hétérogénéité de la zone euro et de l'union, les deux appelées à s'élargir davantage, les aléas des cycles politiques nationaux, les pressions des gouvernances politiques (en fait, des gouvernements) des autres superpuissances et puissances émergentes, la grande mobilité-rapidité- fluidité des transactions économiques et financières mondiales et la globalisation des marchés et des facteurs de production, imposent à l'Union et à la zone euro la logique d'une gouvernance économique à caractère supranational et «constitutionnellement programmée» pour une évolution de fédéralisation, seule capable de décisions économiques cohérentes et rapides, optimales et innovantes, socialement solidaires et politiquement légitimes.
Dans cet ordre d'idées, le couple franco-allemand a encore la possibilité de retrouver son rôle de «noyau dur» de la construction européenne, en allant de concert vers un corpus d'orientations, de projets et de politiques, nationales et européennes, ouverts au consensus et à l'appui des autres membres de la zone euro et de l'Union, comme aussi vers un cadre institutionnel-décisionnel de fédéralisation, qui dans cette Europe et zone élargies ne recèle, de toute évidence, des risques d'hégémonie, en présence d'une philosophie et d'une gouvernance supranationales. Manquer ce rendez-vous historique pour la revitalisation et le recentrage du couple franco-allemand, serait priver l'Europe de véhicule de vision, de moteur de traction, de destin de paix et de prospérité, et le monde de facteur d'équilibre et de modèle des rapports sociétaux harmonieux et mutuellement bénéfiques.


Panayotis Soldatos est Professeur émérite de l'Université de Montréal et 
Titulaire d'une Chaire Jean Monnet ad personam à l'Université Jean Moulin– Lyon 3

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