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Bruno Vever, le lundi 04 juillet 2016

Je t'aime, moi non plus. Comment ne pas se remémorer le duo Birkin à l'occasion du « Brexit » ouvrant sur de nouvelles inconnues les tumultueux rapports du Royaume-Uni avec la construction européenne ?


Le mariage de raison contracté en 1973 avec la Communauté européenne était apparu comme un armistice en forme de ralliement. Il semblait conclure à l'avantage de Jean Monnet et des pères fondateurs l'opposition originelle entre la Communauté des six ayant visé, dès 1950, à mettre en commun sur un mode supranational, commençant par l'économie, les principaux intérêts des ennemis d'hier, et l'Association européenne de libre échange initiée en réaction par le Royaume-Uni sur un mode strictement intergouvernemental avant de se faire déclasser par la réussite de l'autre modèle.

Resté viscéralement hostile à tout concept d'intégration fédéralisante, le Royaume-Uni avait néanmoins accepté de participer loyalement, lors de la décennie suivante, à la relance par Jacques Delors d'un marché unique, au demeurant proche de ses visées libérales, après avoir fini par obtenir un rabais permanent à sa contribution budgétaire nette.

L'Histoire ayant inopinément bousculé le contexte politique d'achèvement du marché unique, avec la chute du mur de Berlin, l'unification allemande, le dégel post-communiste et la perspective de nouveaux élargissements à grande échelle, la France, l'Allemagne et leurs proches partenaires voulurent consolider la Communauté en créant l'Union européenne dotée d'une union monétaire et de l'amorce d'une citoyenneté commune avec libre circulation sans entraves, socle de droits fondamentaux et espace juridique unifié, tout en inaugurant les bases d'une politique étrangère et de sécurité commune.

Le Royaume-Uni ne cessa dès lors de multiplier les prises de distances, cherchant, non sans divers appuis et un certain nombre de succès, à maintenir chaque fois que possible une primauté de l'intergouvernemental et de l'unanimité, obtenant à défaut de déroger aux avancées qui le heurtaient le plus, en l'occurrence le protocole social (avant un revirement ultérieur de Tony Blair), l'espace Schengen et bien sûr la mise en place de l'euro.

A l'issue de quatre décennies de vie conjugale à la carte avec l'Union européenne, le Royaume-Uni avait, au total et d'un strict point de vue britannique, maintes raisons de se féliciter de sa propre situation en Europe comme de l'évolution générale de celle-ci. Jugeons-en :

. l'anglais était devenu, élargissements aidant, la principale langue véhiculaire des institutions communautaires, éclipsant l'usage jusque là prééminent du français et promouvant, avec l'esprit anglo-saxon, un angle d'approche naturellement très « business » ;

. le Conseil européen régi par l'unanimité, était devenu, par-delà le renforcement du Parlement européen, l'arbitre suprême avec une vigilance prioritaire de chacun à ses propres intérêts nationaux, et une Commission européenne de plus en plus reléguée à un rôle exécutif proche d'un secrétariat ;

. l'Eurogroupe des dix-neuf ministres des finances avait préservé des liens étroits avec le Conseil à vingt-huit, permettant au Royaume-Uni de garder une influence proche à défaut d'être interne sur l'environnement et les effets de l'euro ;

. l'euro lui-même était demeuré circonscrit à sa seule dimension monétaire, ses participants n'étant pas parvenus à l'encadrer dans une réelle union politique ;

. en particulier, le « non » français au référendum du traité constitutionnel en 2005 avait opposé un coup de frein spectaculaire à toute évolution fédérale, et dispensé le Royaume-Uni d'endosser en cette occasion le rôle d'éternel trouble-fête ;

. les travaux du marché unique s'étaient pour leur part recentrés sur l'union bancaire et la libération des services, notamment financiers, priorité chère à la City première place européenne ;

. le budget européen était resté confiné à la portion congrue, plafonné depuis des décennies en-deçà de 1% du PIB, bien que les budgets nationaux des Etats n'aient pour leur part cessé de croître jusqu'à confisquer 50% de ce PIB ;

. le volet fiscal du marché unique ainsi que les perspectives d'un vrai volet social étaient demeurés pour l'essentiel hors du champ de compétence communautaire ou soumis à l'unanimité ;

. l'Allemagne, échaudée par la froideur diplomatique voire l'hostilité politique de la France à toute perspective fédérale européenne comme par des difficultés persistantes de celle-ci à se réformer et rééquilibrer ses comptes, et se découvrant quant à elle bien recentrée au cœur du continent réunifié, avait fini par trouver dans l'approche tant intergouvernementale que libérale du Royaume-Uni un contrepoids utile à la survivance des vieux démons protectionnistes et étatistes français ;

. ce faisant, et à l'instar d'autres partenaires européens de l'Europe élargie, l'Allemagne était devenue de moins en moins enthousiaste pour d'ambitieuses réformes politiques des traités, contrairement à ses positions vingt ou trente ans auparavant ;

. enfin, cerise sur la gâteau, l'accord de février 2016 au Conseil européen avec David Cameron en prélude à son référendum allait au-delà de ce tout ce que les Britanniques pouvaient espérer : renonciation à une Union de plus en plus en plus étroite, possibilité de suspendre les allocations sociales versées à des ressortissants communautaires non-nationaux, procédure permettant à une majorité de députés nationaux des Etats membres de remettre en cause une réglementation européenne, non-discrimination par l'Union d'autres monnaies que l'euro. On s'étonnera surtout, à défaut sans doute de pouvoir encore s'en indigner, de l'absence de consultation et du manque de réaction en Europe aux ultimes coups de canif ainsi infligés à l'esprit et aux règles communautaires !

On aura donc compris que les Britanniques étaient bel et bien parvenus, à la veille de leur référendum, à obtenir de l'Union européenne, en plus du beurre et de l'argent du beurre, les faveurs peu avouables des vingt-sept crémières ! Faveurs qui ne seront en définitive guère consommées, ayant été suspendues à une issue positive du référendum !

On pourra disserter longtemps sur les raisons qui auront finalement amené près de 52% d'électeurs britanniques à se prononcer, malgré tant de concessions unilatérales, et à la surprise quasi-générale, pour une sortie de l'Union européenne.

Rien n'aura en effet dissuadé une majorité d'électeurs d'une si paradoxale issue, ni les régimes spéciaux obtenus de longue date ou récemment de la part de l'Union, ni les soutiens pro-européens convergeant de tous niveaux, tous bords et toutes parts, ni même la vague d'émotion suscitée par l'assassinat en fin de campagne d'une députée pro-Bremain.

Le vote contraire s'est par contre joué sur des craintes d'immigration massive, les ressentis d'abandon au sein de régions rurales ou anciennement industrielles, les désengagements budgétaires et sociaux des services publics, l'émergence de contrats de travail « zéro heure », des retraites fragilisées, un gouvernement Cameron aussi ouvertement divisé sur le référendum qu'impopulaire dans l'opinion, une radicalisation extrême des eurosceptiques avec une désinformation sans freins et une presse tirant à feu continu sur les « eurocrates » de Bruxelles désignés pour mille et une raisons, aussi féroces que contradictoires, à la vindicte populaire.

Et maintenant ? Après un mariage à la carte qui perdurait tant bien que mal depuis quarante-trois ans, la rupture votée par les électeurs risque fort d'inaugurer les inconnues d'un divorce à multiples tiroirs et autant de surprises.

En premier lieu, cette rupture va s'apparenter à un véritable casse-tête pour les dirigeants du Royaume-Uni et leurs diplomates, David Cameron ayant laissé à son successeur le douteux privilège d'engager la procédure de sortie prévue à l'article 50. Quel régime d'échanges et d'association négocier avec l'Union, de multiples options étant possibles (cf. les régimes très différenciés appliqués à la Norvège, la Suisse ou la Turquie, mais aussi le Canada ou bien d'autres pays tiers) ?

Et alors que le Royaume-Uni avait réussi, à l'intérieur de l'Union, à optimiser ses avantages en minimisant ses obligations, il risque fort à présent de se retrouver, hors de l'Union, face à une équation inverse : ainsi, la Norvège ou la Suisse n'ont accès au marché unique qu'en versant une contribution budgétaire spéciale et sans avoir voix au chapitre des réglementations qui leurs sont imposées !

Pire encore, le Royaume-Uni quittant l'Union risque lui-même d'être de moins en moins uni. L'Ecosse, qui a voté à plus de 60% pour le Bremain, n'est pas prête à plier face au Brexit et agite à nouveau des perspectives d'indépendance. Sa Première Ministre Nicola Sturgeon n'a guère attendu pour aller aussitôt défendre auprès des présidents de la Commission et du Parlement européen les intérêts spécifiques écossais. Mêmes interrogations concernant l'Irlande du Nord également favorable au Bremain, doublées cette-fois des enjeux à terme d'une réunification irlandaise. Buckingham, resté si discret face au référendum, risque de connaître quelques soucis quant aux possibles répercussions en chaîne du Brexit…

Du côté de l'Union européenne, les soucis et interrogations ne sont pas moindres. Le choc du vote britannique est rude, la frappant d'une sorte de sidération. Si les marchés financiers ont aussitôt dévissé, tandis que la livre plongeait, l'union monétaire des dix-neuf a une nouvelle fois démontré tous ses mérites en évitant à l'Europe les bouleversements internes de taux de changes du passé. Mais les adieux du Conseil européen à David Cameron n'ont guère débouché sur une attitude claire des vingt-sept sur la façon de traiter et surmonter la crise de sécession, sauf à demander que son successeur clarifie rapidement la demande britannique de sortie de l'Union et convenir d'engager lors d'un prochain sommet des vingt-sept le 16 septembre à Bratislava le débat pour relancer l'Union européenne.

Mais sur quelles bases ? Tout reste à revoir, à redéfinir, à relancer. Le scepticisme britannique était devenu depuis tant d'années un paravent commode pour éviter de se poser trop de questions et pour renvoyer à plus tard toute relance européenne. On devine d'ores et déjà qu'il risque fort d'y avoir, tant entre la France et l'Allemagne qu'entre les six pays fondateurs, les dix-neuf de l'euro ou les vingt-sept restants de l'Union plus d'interrogations que de convergences.

Le « non » des Britanniques à une Europe retaillée à leurs propres mesures débouchera-t-il, par un autre paradoxe, sur un « oui » des vingt-sept à la relance de l'esprit et des méthodes communautaires ? Dans l'attente d'un retour en Europe de l'imagination au pouvoir, il nous reste comme espoir le pouvoir de l'imagination.

 

Bruno VEVER est secrétaire général de l'Association Jean Monnet et délégué général d'Europe et Entreprises

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