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par Philippe Herzog, le samedi 10 octobre 2009

Le oui irlandais lève une lourde hypothèque : on peut maintenant se concentrer sur le progrès des politiques de l'Union. Le G20 est un pas en avant, mais un pas seulement. Un débat très intéressant s'ouvre sur le futur de la finance. Les dettes publiques sont « une bombe sous la reprise ». Moins que le nationalisme politique c'est la guerre des capitalismes qu'il faut craindre.



Le oui irlandais massif au Traité de Lisbonne doit permettre de tirer le rideau (provisoirement) sur une longue période d'agonie de la réforme institutionnelle de l'Union. Encore faut-il obtenir la levée d'un obstacle grossier : la non signature de M. Vaclav Klaus. Il faudra plus tard tirer des enseignements de l'inadéquation totale des processus actuels de ratification nationale aux exigences élémentaires d'une démocratie européenne.

Le Traité de Lisbonne est un plus appréciable pour l'avancée d'actes communautaires en codécision et à la majorité qualifiée. En termes d'organisation des pouvoirs, par contre, il accroit la complexité en augmentant la pluralité des « têtes » exécutives, au risque d'affaiblir encore la Commission (cf. le débat au Collège des Bernardins que j'ai animé autour de Jacques Delors et Jacques Barrot le 29 septembre. Voir chaîne KTO).Avec un bon esprit de responsabilité partagée, on peut traiter cette complexité ; sinon une désillusion s'ensuivrait.


Le G20 apparaît maintenant comme une institution internationale à part entière. Réuni pour la première fois en 1999, il n'était qu'un organe informel de discussion entre les ministres des Finances et les gouverneurs des banques centrales. Aujourd'hui c'est une réunion des chefs d'Etat qui aura lieu au moins une fois par an. Les 20 représentent 85% du PIB mondial. En fait ils sont 29 participants puisque les représentants des grandes institutions internationales sont présents.

Tandis que le statut du G20 se confirme, il traduit la consécration de la Chine. Celle-ci est entrée dans le multilatéralisme en 2001 lors de son adhésion à l'OMC, elle a débuté prudemment, mais maintenant elle est un acteur clé. En 2025, c'est-à-dire demain, son PIB sera égal à celui des Etats-Unis (cf. l'excellente réunion du groupe de travail de Confrontations « Europe dans la mondialisation » du 22 septembre 2009).

Face aux enjeux de la sortie de crise, le Sommet de Pittsburg est un pas dans la bonne direction, mais évidemment ce n'est qu'un pas. Rappelons aussi que les chefs d'Etat s'accordent sur des lignes directrices mais ne prennent pas de décisions. Ce sont les Etats qui décideront en pratique, et pour la part qui leur revient, les institutions et agences internationales.

Le G20 s'est préoccupé de la coordination des politiques économiques nationales. Il s'est prononcé contre un retrait prématuré des plans de relance. Il a dit son intention de coopérer pour la réduction des graves déséquilibres économiques mondiaux (notamment les déficits occidentaux et les excédents chinois). Ces déséquilibres ne se résoudront pas sans intervention politique. Le G20 a confié un rôle accru au FMI pour la coordination. Pour le rendre plus légitime, il a rogné un peu le poids des Européens dans le processus de décision du FMI au profit des émergents, mais les Etats-Unis ont préservé le leur. On doit souligner qu'alors que le FMI se renforce (et le rôle de Dominique Strauss-Kahn est salué), l'eurozone est toujours incapable de se doter d'un pouvoir de coordination et d'une représentation unie extérieure.

Le G20 a bien sûr avancé sur le vaste chantier de la régulation financière. « Nous allons inévitablement vers une baisse du profil des risques de la finance mondiale », a déclaré Georges Pauget, président du Crédit Agricole. C'est souligner toute l'ambigüité et la difficulté du problème : la croissance mondiale a été dopée par la finance, donc si la régulation impose à celle-ci d'être plus prudente cela n'ira pas sans conséquence pour l'activité. Ainsi les Américains ont fait admettre le principe d'une réduction des ratios d'endettement (ou encore l'élévation du rapport fonds propres/total du bilan). C'est pertinent puisque le système a abusé de l'endettement. Mais Michel Pébereau comme Georges Pauget ont aussi raison de dire que ceci peut freiner l'offre de crédit. A cet égard, l'intégration du ratio d'endettement dans le « pilier 1 » de Bâle II les inquiète. Comme je l'ai dit dans la précédent chronique, notre groupe « Crise » préférerait que la « morsure » en fonds propres soit imposée non pas en général mais sur les activités de type spéculatif et à hauts risques (l'allocation de fonds propres par type d'activité relève du « pilier 2 » de Bâle II.

Le G20 a demandé aux organes responsables de travailler à l'ajustement et à la convergence des normes comptables d'ici à 2011. Là encore, le doute est permis. Nicolas Véron a raison de dire que dans ce domaine aucune vision n'est proposée, donc le principe d'une convergence euro-atlantique ne doit pas être posé a priori, d'autant que les Américains s'arrogent toujours une autonomie de conduite (cf. Why the issue of convergence should remain on backburner ?, Financial Times - September 24, 2009). Au contraire Jean-Pierre Jouyet regrettait dans Les Echos que l'on s'accorde encore trois ans pour la convergence.

Sur les bonus, le G20 a retenu des principes d'encadrement visant à réduire l'incitation au court-termisme. Ceci est compatible avec le système actuel. Alors que les Britanniques viennent de prendre des dispositions strictes, les Américains ont déclaré garder toute leur flexibilité. La plus grande latitude d'interprétation sera de mise au niveau des régulateurs nationaux.

L'action pour éradiquer les paradis fiscaux sera renforcée par l'acceptation du principe de sanctions. Les produits dérivés du crédit seront sous surveillance : une transparence sera requise pour les opérations de gré à gré et la mise en place de chambres de compensations est recommandée. Mais au total Jean-Pierre Jouyet souligne fortement l'insuffisance des engagements sur le fonctionnement des marchés financiers.

Il n'y a aucun accord en ce qui concerne l'harmonisation des règles concernant les hedge funds. De même le problème des règles de comportement concernant les grands établissements Too big to fail ne fait l'objet d'aucun accord. Il est vrai que les Européens ne semblent pas intéressés. La BCE vient de faire savoir que les résultats des Stress tests en Europe n'indiquent aucun établissement présentant un risque systémique.

La France annonce une loi post G20 d'ici la fin d'année. La Suède demande un vote du Parlement européen dès décembre 2009 pour la mise en place du Conseil européen du risque systémique proposé par Jacques de Larosière et dont le principe a été retenu par le Conseil européen de juin. Mais Tomasso Padoa-Schioppa souligne que la Banque centrale européenne et l'Union ne disposent pas encore de la capacité nécessaire pour une supervision effective.


Un débat passionnant démarre sur la nature du système financier de demain. Le Financial Times lui consacre une série d'articles sur le thème « The future of investing ». Il met bien en évidence le dilemme : faut-il simplement renforcer la prudence au sein d'un système financier inchangé pour l'essentiel, ou faut-il transformer celui-ci pour rendre possible une croissance différente et soutenable ?

Actuellement le système financier est toujours aussi malade. La récente enquête du FMI indique que le trou à combler est presque aussi important qu'hier, il est moindre pour les produits toxiques mais il s'accroît pour les prêts que l'économie ne peut pas rembourser. Le crédit crunch est dans ces conditions une réalité, en particulier en Europe.

Pour Martin Wolf, ce qui est en train d'émerger, est un système financier qui se recapitalise tout en conservant les mêmes garanties publiques. C'est là une tare structurelle, il va jusqu'à écrire que « les institutions financières sont une partie de l'Etat » en ce sens que la fortune privée est assurée par l'Etat. Aucune réforme de structure n'est en cours pour aller vers un système financier non seulement plus sûr mais aussi mieux à même de répondre aux besoins du public, ce qui annonce pour demain des crises encore plus fortes. Cette critique porte bien sûr sur le monde anglo-saxon, prédominant à l'échelle globale, mais faute de diagnostic clair et percutant, on ne sait dans quelle mesure elle s'applique aussi, mais avec nuance, aux autres systèmes bancaires et financiers, singulièrement en Europe continentale. En tout cas, Martin Wolf et les autres analystes, qui soulignent que la régulation n'est en aucun cas une solution suffisante et qu'il faut tout autant changer les structures, ont à mon avis parfaitement raison.

Mais quelles sont les solutions envisagées ? C'est la bouteille à l'encre.

John Kay propose de séparer la banque de détail, responsable de fonctions d'intérêt public (public utility) et la banque casino. Les grandes banques s'opposent à cette option avec férocité. Cela n'irait pas non plus sans une difficulté et l'aversion au risque pourrait être accrue à l'encontre des investissements de long terme ; et les banques sauraient réinventer le hors bilan et les quasi-banques qui ont fleuri dans le passé récent.

Michael Taylor propose de récupérer les subventions publiques déguisées dont bénéficient les grands établissements (qui ont notamment la garantie de ne pas être laissées tomber en faillite) en levant sur eux une taxe qui pourrait alimenter un fonds de mutualisation des risques. Il semble que les USA réfléchissent à une sorte d'assurance obligatoire.

Le gouvernement américain cherche à obtenir des grandes institutions financières des résolutions pour prévenir et gérer les risques de faillite (Living wills). Un problème majeur tient au caractère transfrontières des risques. Les grands établissements opèrent partout. S'ils prennent des résolutions sur leur « territoire domestique », ils peuvent parfaitement laisser tomber les succursales situées dans des pays vulnérables.

Adair Turner souligne qu'il faudra une réforme de la corporate governance. En effet il ne s'agit pas seulement de prévenir le risque systémique, mais aussi d'améliorer l'efficacité des gestions dans l'intérêt du public. Dans le secteur bancaire, les investisseurs devront pouvoir contrôler le management. Il évoque aussi la faillite du management des fonds de pension. Il paraît impossible de réduire les coûts des intermédiaires par la seule régulation. Turner le libéral envisage carrément de les sortir du système privé.

Ceci m'amène aux réflexions de Gillian Tett et de Kate Burgess qui posent la question : l'industrie financière n'est-elle pas une machine qui se sert elle-même plutôt qu'au service de la société toute entière ? Leur rôle d'intermédiaire entre les dépôts et les crédits, entre l'épargne et l'investissement, est à la fois coûteux, complexe, et risqué. Les déposants, les petits investisseurs, et même les gros, ne sont pas en mesure d'évaluer les services qu'on leur rend et ont subi de grosses pertes dans la crise. Mais réévaluer l'efficacité des services pour le bien public soulève la question d'une socialisation. Or loin de l'envisager, les gouvernements (par exemple Paris et Londres) sont toujours en compétition pour les places financières. L'équilibre à trouver entre compétition et bien public est une magnifique question à soulever aujourd'hui dans le débat public.

Pour sa part le grand Robert Shiller (Yale University), qui pointait depuis plusieurs années l'exubérance irrationnelle du système et montrait que l'innovation financière était restée en friches face aux problèmes de société, en particulier la pauvreté, plaide encore aujourd'hui en faveur d'une « bonne innovation ». Pour lui, même si l'éducation financière du public est nécessaire, elle a ses limites. Les gens ne pourront pas tout comprendre, d'autant plus que l'idée selon laquelle il suffirait de proposer des produits financiers plus simples n'est pas très heureuse. Des produits complexes seront utiles, notamment pour traiter la vaste gamme de risques afférant à la retraite dans des sociétés vieillissantes. Et les gens auront besoin d'interfaces spécialisés et capables de conseils judicieux pour acheter ces produits. Ceci nécessite que les agences de régulation ne s'en tiennent pas aux règles mais reçoivent des missions d'incitation pour assurer que ces interfaces fonctionnent dans l'intérêt public.


Le gouvernement français a présenté son budget pour 2010 avec un déficit massif. La dette publique atteindra 90% du PIB en 2010. La plupart des pays occidentaux connaissent plus ou moins une aggravation comparable (la France avec un déficit de 8,5% du PIB se situe entre la Grande-Bretagne à 12,5% et l'Allemagne à 4,8%).

Cette dégradation s'explique intégralement par les soutiens publics face à la crise. Dans le déficit français les amortisseurs sociaux représentent plus de la moitié (30 milliards rien que pour les comptes de la sécurité sociale), le reste s'expliquant par le plan de relance. Personne ne peut contester l'efficacité à court terme de ces soutiens, qui pour les économistes expliquent intégralement l'arrêt de la récession et le mini-rebond actuel. Et ceux qui critiquent le déficit, alors qu'ils exigeaient hier plus de soutiens sociaux et prétendaient que le plan de relance était insuffisant sont de mauvaise foi.

Mais le problème c'est que cette dette publique massive est, pour citer Pascal Lamy, une bombe en-dessous de la reprise. Demain il faudra payer une charge aggravée avec le risque que des hausses des taux d'intérêt ne la rendent insupportable.

Ceci traduit une dérive générale en Occident, qui est d'ailleurs à l'origine de la crise actuelle : depuis des années nous avons dopé la consommation par le crédit. La dette privée a considérablement augmenté et lorsque les bulles ont éclaté, lors de crises financières récurrentes, l'argent public a fait l'appoint et la dette publique a bondi. Ce type de croissance est insoutenable.

La France est particulièrement touchée car notre société est droguée à la dépense publique. Celle-ci atteint aujourd'hui 55% du PIB, un des records dans le monde. Chaque fois qu'une chose va mal les gens se retournent vers l'Etat ; et au lieu de se remettre en cause, le secteur public réclame toujours plus de moyens. Nous sommes tous coupables.

L'heure de vérité approche. Demain une charge de la dette encore accrue, une croissance plus faible, le risque de taux d'intérêt plus élevés, et les départs en retraite accélérés : tout ceci annonce un choc politique constamment retardé. Il faudra reconnaître que nous avons vécu au-dessus de nos moyens. On ne voit pas comment on pourrait éviter des coupes massives dans les dépenses et/ou des hausses d'impôts. La consommation devra être réduite, en tout cas relativement, tandis que tous les efforts devront se consacrer aux investissements dans un modèle de développement durable à inventer.


Le débat sur le nationalisme économique est de retour. L'IFRI et le CEPII lui ont consacré une matinée très intéressante le 30 septembre. Il en ressort à mon avis qu'il faut poser la question autrement. Les Etats doivent-ils et peuvent-ils repenser leur modèle de développement dans le contexte de crise de l'économie globale ?

Les analyses du commerce extérieur établissent très clairement que le protectionnisme commercial n'est pas de retour. La chute du commerce mondial dans la récession est intégralement due à l'effondrement de la demande d'investissement, elle-même liée au resserrement du crédit et des sources de financement.

Chacun s'attend à une aggravation des tensions et des conflits, si la compétition étouffe la coopération. Le multilatéralisme est à l'épreuve : on peut être pessimiste sur l'avenir du cycle de Doha. Il était fondé sur un concept de libéralisation + développement qui intègre toujours les PED. Mais depuis 2001 le monde a bougé. Hier la Chine se déclarait PED, aujourd'hui elle et d'autres sont devenus des puissances à l'échelle mondiale.

La résorption des déséquilibres économiques mondiaux risque d'entraîner un choc des puissances. Les Etats-Unis doivent consommer moins et exporter plus, le dollar va baisser, comment la Chine va-t-elle réagir, elle qui connaît une croissance exponentielle de ses réserves monétaires et financières ? Les tensions portent aussi sur les matières premières (on a vu récemment la Chine restreindre l'exportation des métaux rares où elle est en situation de monopole). Comme Jean-Hervé Lorenzi je pense que le titre du livre issu des Rencontres d'Aix-en-Provence en 2007 « La guerre des capitalismes aura lieu », était prémonitoire et justifié.

Ces conditions radicalement nouvelles obligent les Etats à repenser leur modèle de développement. Jean-Louis Beffa soulignait dans un article de Financial Times début 2008 et à la matinée de l'IFRI récente le conflit montant entre les champions du libéralisme total, aujourd'hui en difficulté, et les puissances qui défendent un modèle capitaliste national néo-mercantiliste (l'Allemagne, le Japon, et maintenant et surtout la Chine). Les Etats-Unis vont tout faire pour rebondir en se réindustrialisant. La Chine a l'intelligence, au plus haut niveau, de dire qu'elle va devoir faire évoluer son modèle de croissance pour l'orienter plus vers le marché intérieur, mais pour l'instant il n'est pas question pour autant de renoncer à vouloir exporter plus qu'elle n'importe. L'Allemagne veut explicitement défendre son modèle de puissance exportatrice, et déjà le débat intérieur se développe, car ce ne sera pas simple. Quant à la France, qui reparle investissement et industrie, elle est loin d'avoir trouvé son propre modèle depuis la rupture du capitalisme industriel d'Etat au début des années 1980.

Dans cet échange à l'IFRI il me revenait d'évoquer la dimension politique. Je me suis concentré sur la question du rôle souhaitable de l'Union européenne. L'idée qu'il n'y a rien à en attendre s'est bien sûr exprimée, à quoi j'ai répondu que de toute façon nous sommes profondément insérés les uns et les autres dans le chantier communautaire, et donc que renoncer à s'y investir ne peut qu'être nuisible tant à la France qu'à l'Allemagne, sans parler des autres.

Mais j'ai d'abord voulu rappeler que les récentes élections européennes ne traduisent pas une remontée du nationalisme politique, contrairement à tous les poncifs. Il n'est qu'à lire l'excellente étude de Fondapol « Elections européennes 2009 : analyse des résultats en Europe et en France », publiée en septembre, pour s'en convaincre. D'abord on constate de grands contrastes dans la participation électorale. Certes l'abstention a progressé, mais la participation a beaucoup augmenté dans les pays nordiques (sauf en Lituanie), et beaucoup chuté en Grèce, Italie et Malte ; elle n'a pas connu de variations significatives ailleurs par rapport aux précédentes élections. D'autre part, le niveau bas et le plus souvent en recul des résultats de l'extrême droite et de la droite souverainiste n'indique nullement un repli national. Dominique Reynié peut écrire : « la promesse souverainiste suscite un plus grand scepticisme que la coopération européenne ». Toutes les analyses soulignent que les électeurs ont surtout voulu critiquer la médiocrité de l'offre politique des partis nationaux. Je note enfin que dans les sondages, 59% des Français disent que la construction européenne est encore pour eux une source d'espoir. Par contre, c'est un pays particulièrement ignorant de son fonctionnement : alors que en moyenne parmi les 27 membres de l'Union, 53% des sondés savent que le suffrage universel pour l'élection au Parlement européen est en place dans chaque Etat membre, en France c'est seulement 39%.

Tout en soulignant moi aussi le caractère crucial du débat franco-allemand et de la coopération entre les deux pays, alors même que la différence et le conflit de leurs modèles économiques pourraient devenir un sérieux problème politique, j'ai souligné l'urgence de la bataille pour un agenda communautaire crédible et dynamique. Trois sujets apparaissent clairement comme d'intérêt commun, encore faut-il que les dirigeants politiques veuillent avancer ensemble. Le premier est un investissement social axé sur la formation et l'emploi (comme le soulignent Pascal Lamy et Dominique Strauss-Kahn, nous risquons d'avoir une reprise économique sans reprise de l'emploi, ce qui serait dramatique). Deuxièmement, le mot d'ordre de Confrontations Europe qui consiste à vouloir transformer le marché intérieur en camp de base des industries européennes pour mieux faire face à la mondialisation vient parfaitement à point. A défaut nous allons nous entredéchirer. Enfin, il faut impérativement consolider l'Union économique et monétaire, sinon l'Europe politique ne sera qu'un jouet face aux nouveaux défis de conflit ou coopération entre les grandes puissances.

Philippe Herzog, Le 5 octobre 2009.

http://www.philippeherzog.org/





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