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par Jean-Sylvestre Mongrenier, le mercredi 14 janvier 2009

Docteur en Géographie, avec une spécialisation en Géopolitique (Université de Paris VIII), Jean-Sylvestre Mongrenier est chercheur à l'Institut Français de Géopolitique (Paris VIII) et chercheur associé à l'Institut Thomas More (Paris-Bruxelles). Il répond aux questions de Charles Rault, Chief Executive Office d'ISRIA, un groupe spécialisé dans l'analyse de l'information stratégique et de l'intelligence des phénomènes géopolitiques. La version originale de cet entretien, en langue anglaise, est en libre accès sur le site Internet de l'ISRIA (http://isria.info).



QUESTION 1 - Lorsque Nicolas Sarkozy a été élu Président de la République Française, il avait promis de tenir "un langage de vérité et sans langue de bois face à Poutine". A l'époque, Moscou s'était inquiété d'une éventuelle russophobie du nouveau Président. Mais très vite, le gouvernement Russe a assuré que les relations franco-russes étaient toutes aussi bonnes qu'à l'ère Chirac. Plus récemment, l'activisme du Président Sarkozy à trouver un accord de cessez-le-feu en Géorgie fut applaudi. Mais il est désormais critiqué pour n'avoir pas concrètement forcé les troupes Russes à quitter définitivement le sol Géorgien (qui comprend en droit international l'Abkhazie et l'Ossétie du Sud en dépit de leur sécession non reconnue par Tbilissi.

Le président Sarkozy a-t-il été trop vite ? Ou ceci résulte-t-il d'un objectif clair qui serait de toujours donner la priorité aux intérêts stratégiques de l'Union Européenne avec la Russie? Dans ce cas, le terme de "Realpolitik" vous semble-t-il approprié?



Si l'on en croit la rumeur publique, alimentée par des anecdotes complaisantes, le président français aurait, au terme d'une négociation d'homme à homme, mis fin au conflit russo-géorgien. Rappelons de prime abord que Dmitri Medvedev avait annoncé un cessez-le-feu unilatéral avant même que Nicolas Sarkozy, le 12 août, ne se pose à l'aéroport de Moscou. Depuis, le président russe a déclaré que son homologue français n'était pour rien dans l'arrêt des combats. Dont acte.

Au sortir de cette négociation, nombre d'observateurs ont mis en évidence les insuffisances et le flou des accords Medvedev-Sarkozy. Le texte ne contient pas de référence à l'intégrité territoriale de la Géorgie et accorde à la Russie des « mesures additionnelles de sécurité » sans précision d'ordre géographique. Par ailleurs, il ne fixe pas de calendrier précis pour le retrait des troupes russes. Bref, ces accords font la part belle à la partie russe qui s'est bruyamment félicitée d'avoir imposé les conditions de sortie de la phase guerrière du conflit.

Dès lors, doit-on juger que le président français est allé trop vite ? La promptitude est une qualité mais elle requiert une claire perception des enjeux, des dynamiques et du rapport global des forces ; un coup d'œil synthétique. Il est aujourd'hui évident qu'il n'y a pas eu de retour au statu quo sur le terrain : les troupes russes ont continué à progresser après l'accord du 12 août ; Moscou a reconnu l'indépendance des régions séparatistes (Abkhazie et Ossétie du Sud) et plus que doublé sa présence militaire sur ces deux territoires, à quelques dizaines de kilomètres de Tbilissi et du corridor énergétique qui assure le libre accès des Occidentaux aux ressources de la Caspienne (oléoduc Bakou-Tbilissi-Ceyhan ; gazoduc Bakou-Tbilissi-Erzerum).

Les faits parlent donc d'eux-mêmes. Assurément, Nicolas Sarkozy a péché par volontarisme en pensant que le mouvement et la camaraderie affichée avec son homologue russe (alors que Vladimir Poutine représente toujours la réalité du pouvoir) triompheraient des servitudes de la situation. Significativement, la justification a posteriori de cette politique consiste à expliquer que la situation aurait pu dégénérer plus encore - Vladimir Poutine aurait eu l'intention de pendre le président géorgien - et l'on ne se réfère plus explicitement au contenu des accords. C'est un peu rapide et plus encore illusoire. Ce conflit ne peut être mis en parenthèses et il pèsera sur la suite des événements. Sur le fond, rien n'est réglé et il est à craindre que les dirigeants russes ne se sentent encouragés.

Par voie de conséquences, je ne pense pas que le président français avait en tête une claire perception des intérêts de l'Union européenne dans cette crise, ne serait-ce que parce l'Union en tant que telle n'a toujours pas défini en termes positifs ses intérêts communs à l'Est. On sait que les différents Etats membres de l'UE n'ont pas la même perception de la Russie et ils n'ont pu encore s'entendre pour véritablement définir une politique commune à son endroit ; la renégociation du partenariat UE-Russie est un parcours semé d'embûches. Au minimum, il faut maintenir une ligne de fermeté sur la question géorgienne et refuser le fait accompli en Abkhazie et en Ossétie du Sud. Je suis plutôt enclin à voir dans la politique de Nicolas Sarkozy à l'égard de la Russie un vieux tropisme français pour partie hérité du rapprochement franco-soviétique esquissé en 1966 par De Gaulle. Il faut aussi comprendre que la Russie sert de surface de projection : lorsque l'on évoque la Russie éternelle, on se réfère implicitement à la France éternelle, les deux puissances étant prétendument vouées à une alliance éternelle. Cela tient de l'autoportrait.

En l'occurrence, peut-on parler de « Realpolitik » ? L'expression pose plus de problèmes qu'elle n'en résout. Appréhendé en son essence, le Politique a pour finalité d'assurer la concorde intérieure et la sécurité extérieure de la collectivité prise en charge. Cette activité originaire, c'est-à-dire inhérente à la condition humaine, repose sur l'analyse des risques et menaces, l'identification de l'ennemi potentiel et in fine l'investigation du réel. Toute politique se fonde donc sur des réalités et parler de Realpolitik en ce sens est un truisme. Il faut se demander si ce terme n'est pas devenu le masque d'un cynisme à courte vue, voire d'une sorte de nihilisme.

Certains adeptes proclamés de la « Realpolitik » ont par ailleurs une perception tronquée du réel et ils pensent qu'invoquer les « intérêts » suffirait à définir une politique. Ainsi réduisent-ils la politique internationale à une forme de physique newtonienne, en faisant fi de la métaphysique et du dieu de Newton toutefois. Cela me semble singulièrement réducteur. La notion d' « intérêt » ne peut pas être définie de manière univoque et les intérêts mis en avant par les dirigeants étatiques évoluent selon les perceptions des acteurs et les contextes. Au final, ce terme en vient à désigner tout motif d'action et il n'a donc guère de valeur explicative. Enfin, toute grande politique a des fondements métapolitiques et elle ne peut être réduite à un simple calcul des forces matérielles.

Dans le cas de la Russie, il serait erroné de faire l'impasse sur la nature du régime, les modes de fonctionnement du « système Poutine » et leurs prolongements extérieurs. Ce serait là pécher par irréalisme. Quelques clichés sur l'âme russe, l'identité slave-orthodoxe et Dostoïevski ne sauraient suppléer l'absence d'analyses de fond des tendances à l'oeuvre en Russie. L' « embarras géopolitique » qu'est la Russie est en passe de redevenir un problème de sécurité. Notons que ce point est aujourd'hui bien mieux admis dans toute l'Europe depuis la guerre russo-géorgienne. Le discours de la « maison commune européenne » est dépassé par les événements et l'anti-occidentalisme des dirigeants russes finit par produire des effets en retour. L'image de la Russie est sinistrée.



QUESTION 2 - La France devrait bientôt réintégrer pleinement l'OTAN à la grande satisfaction de Washington qui semble y voir la rupture définitive avec « l'indépendance nationale » du Général de Gaulle. Mais cette satisfaction n'est pas partagée par tous les analystes américains qui craignent que le président Sarkozy n'accepte le retour complet dans l'OTAN qu'à des conditions très exigeantes. Aussi le président Sarkozy pourrait poser plus de difficultés que d'avantages en s'opposant à l'installation de dispositifs anti-missiles en Pologne et en République Tchèque ou en se faisant l'avocat d'une approche modérée avec la Russie.

La France a-t-elle une position définitive sur ces sujets ou doute-t-elle encore de la posture à adopter? Ce manque de clarté découle-t-il d'une volonté de poser l'Europe en égal des Etats-Unis ou d'une habituelle velléité d'indépendance propre à la France?



Le retour complet de la France dans les structures militaires intégrées de l'OTAN semble acquis et non plus subordonné à des conditions exigeantes. Au vrai, cette décision s'inscrit dans un continuum avec une forte accélération pendant les « années Chirac » (1995-2007) ; le discours de l' « Europe-puissance » a souvent masqué les réalités stratégiques et militaires. Si rupture il y a, c'est dans l'ordre des rhétoriques et des représentations mentales. Les « dissonances cognitives », c'est-à-dire décalage entre les faits (le fort engagement de la France dans l'OTAN) et les représentations (un discours de « non-aligné »), sont en voie de réduction. Cela est bel et bon.

L'analyse qui a conduit les autorités politiques et militaires françaises à se réinscrire pleinement dans l'OTAN est en partie la suivante : la France n'a pas une influence à la hauteur de son investissement financier et militaire dans les structures atlantiques. Comme tout autre pays membre de l'OTAN, la France a donc pour ambition d'accroître son influence à travers ce cadre de mutualisation des outils de puissance. Cela est bien normal et légitime. D'une manière générale, je pense que la France marque ainsi son appartenance au monde occidental et contribue à une plus grande lisibilité de sa politique étrangère.

La question de la Russie a été précédemment abordée et la France portera à l'intérieur de l'OTAN les mêmes idées qu'à l'intérieur de l'UE. C'est dans ces deux instances, aux larges intersections, que les Européens s'efforcent de définir en commun, et en alliance avec les Nord-Américains, leur politique russe. Notons au passage le poids et le rôle de l'Allemagne sur cette question. C'est Berlin plus que Paris qui manifeste de fortes réserves, sans rejet pur et simple toutefois, sur les candidatures de la Géorgie et de l'Ukraine. Que les Alliés débattent ensemble de ces questions, éminemment stratégiques, est bien normal. L'OTAN n'est pas et n'a jamais été le Pacte de Varsovie et c'est le libre engagement de chacun des pays membres qui fait la force de l'Alliance. La ligne est définie en commun et c'est ensuite que l'on s'aligne. Faisons donc confiance aux vertus du multilatéralisme atlantique.

Quant au déploiement des systèmes antimissiles en Europe centrale (Pologne et République tchèque), la décision relève des pays concernés et des liens bilatéraux qu'ils entretiennent avec les Etats-Unis. Il est vrai que lors du sommet UE-Russie de Nice, le 14 novembre 2008, Nicolas Sarkozy s'était laissé aller à remettre en cause le bien-fondé de ce déploiement. Au grand plaisir de Dmitri Medvedev. En marge du G-20 de Washington, il rappelait le lendemain même le droit souverain des deux pays européens concernés de procéder à ce déploiement. Au grand dam de Dmitri Medvedev. Rappelons que les pays membres de l'OTAN, à l'unanimité, ont apporté leur soutien au déploiement de systèmes antimissiles en Europe, comme contribution à la posture de défense et de dissuasion. Voilà pour les fondamentaux. Remarquons que les dirigeants russes auront pu apprécier les limites de la bonne volonté française à leur endroit. Le report sine die d'un grand sommet de la sécurité dans l'espace OSCE, une idée russe très brièvement soutenue par la France le 14 novembre 2008, joue dans le même sens.

Au final, la ligne directrice de la politique étrangère française me semble assez claire sur le plan international : refonder l'alliance transatlantique et travailler au renforcement de l'UE, les deux objectifs étant étroitement liés et ne s'excluant pas si l'on cesse de raisonner en termes de « tout-OTAN » ou d' « Europe totale ». Il est vrai que certaines initiatives viennent brouiller l'image globale. Outre la propension de la France à se poser en grande puissance agissant au nom de l'Europe, on peut y voir un facteur personnel (l'« hyperprésidence »).



QUESTION 3 - La crise économique semble toucher encore plus gravement la Russie et ses partenaires tels que l'Iran et le Venezuela. Le baril de brut est passé depuis l'été 2008 de $160 à $40. Certains analystes prédisent une année 2009 extrêmement difficile pour le tandem Medvedev-Poutine arguant que la croissance exceptionnelle de la Russie s'expliquait par la vente au prix fort de son énergie et par l'emploi de près de 50% de la population active par l'état ou indirectement à travers des consortiums tel que Gazprom.

Alors que Moscou et Kiev s'opposent à nouveau sur le prix du gaz, doit-on craindre un conflit énergétique latent entre la Russie et l'Union Européenne? Avec la crise et la dépendance de la croissance russe aux économies occidentales, l'Union Européenne devrait-elle en profiter pour mieux parler de sujets épineux tel que les droits de l'Homme ou l'indépendance des pays voisins (Géorgie et Ukraine en particulier)?



Le conflit énergétique global est latent et la Russie fera tout pour empêcher la formation d'une politique énergétique commune aux Européens : renforcement des liens bilatéraux avec les grands groupes énergétiques français, allemands et italiens, appuyés par leurs gouvernements ; promotion du South Stream envers et contre le Nabucco ; préemption des ressources du Kazakhstan et du Turkménistan ; contrôle de l'accès à la Caspienne (c'est là une des dimensions de la guerre russo-géorgienne). Plus généralement, la Russie refuse de ratifier le traité sur la Charte de l'énergie et entend renforcer ses groupes monopolistiques (Gazprom et Transneft), outils de puissance et de coercition au plan européen et dans le champ des relations stratégiques. Les dirigeants russes ne sont pas que des businessmen assoiffés de pétrodollars et ils raisonnent en termes de puissance, confondant toutefois « bigness » et « greatness ».

Fondamentalement, cette posture remet en cause la raison d'être d'un partenariat UE-Russie. Pensé et conçu dès le début des années 1990, ce partenariat était fondé sur la vision d'une Russie post-soviétique réduite à une simple périphérie énergétique, objet des conseils et des politiques de libéralisation de l'UE. Le paradigme de la « transition » ne rend pas compte des réalités et les dirigeants russes ne se réfèrent plus au modèle européen/occidental. Ils balancent entre la « spécificité russe » et le « modèle chinois », l'idée étant de combiner fermeture politique et ouverture sélective à l'économie mondiale.

On éprouve ici les limites et les illusions du « soft power » revendiqué par certains européistes. Comment fonder un partenariat, qui soit autre chose que des jeux de langage, sans confiance et partage des mêmes valeurs ? Les seuls intérêts suffisent pour faire du commerce mais ils ne permettent guère d'aller au-delà de logiques de marché. Et encore. La sécurité des investissements présuppose un minimum de confiance, de respect du droit et de stabilité des règles. L'avidité des cercles de pouvoir et le mode de fonctionnement patrimonial du régime (contrôle et distribution des rentes selon une logique clientéliste) ne jouent pas en ce sens.

La crise financière, particulièrement grave dans le cas russe, met à jour les fragilités de cette « économie de tubes » et les limites du concept de « BRIC » (Brésil-Russie-Inde-Chine). Vladimir Poutine posait la Russie en « puissance émergente », pivot d'un « monde multipolaire », à même de convertir en pouvoir la redistribution des flux. En fait, la Russie est une « puissance pauvre » en proie à un grave krach démographique et sanitaire. Les devises générées par les exportations de produits de base n'ont été que très partiellement investies dans l'appareil productif : la Russie exporte des hydrocarbures, des matières premières … et des armes. La crise sert aujourd'hui de révélateur et il est patent que la Russie n'a pas évité les effets du « Dutch disease » (effets de rente, inflation et corruption). Les réserves de devises sont entamées par le refinancement de groupes monopolistiques très endettés auprès des banques occidentales. Quant à la production d'hydrocarbures, elle se tasse faute d'investissements. Tout cela pourrait mettre à mal le « système Poutine » et l'unanimisme politique intérieur. Bref, nous ne pouvons plus voir les choses comme en 2000.

Quels prolongements donner aux renouvellements de la situation politique? Ceux qui appelaient à des accommodements avec la Russie, en raison de son regain de puissance, expliquent désormais qu'il faut s'accommoder de la Russie, en raison de ses fragilités intérieures. Nous sommes face à ce que Karl Popper nomme un discours infalsifiable. A mon sens, il ne s'agit pas de « mettre à profit » une situation lourde d'incertitudes mais de tenir bon sur ce qui nous fonde en propre. Réaffirmer notre confiance dans les vertus des régimes constitutionnels-pluralistes, de l'Etat de droit, de la liberté et de la concurrence, tant sur le plan politique qu'économique. Se rappeler que toute politique implique une certaine idée de l'Homme et de son rapport au Cosmos. On ne saurait transiger sur ces lignes de partage et prétendre fonder un partenariat reposant sur de seuls intérêts marchands. Si les convergences ne vont pas au-delà de ces seuls intérêts, il faut se contenter de relations commerciales, plus ou moins régulées, et de coopération ad hoc sur les questions stratégiques essentielles (lutte contre la prolifération et le terrorisme). Nul besoin de se raconter des histoires et de céder au lyrisme.

Parallèlement, le souci de défendre et de promouvoir nos modes d'organisation politiques, économiques et sociaux, en Europe, dans son hinterland eurasiatique et dans le monde, suppose que l'on accueille avec faveur les pays qui se tournent vers nous. On songe bien sûr et en tout premier lieu à la Géorgie et à l'Ukraine. Ce sont des pays de l' « entre-deux » qui se détournent de l'autoritarisme patrimonial moscovite et s'efforcent de régler leurs problèmes politiques dans le cadre de systèmes ouverts et concurrentiels. In fine, que souhaite-t-on ? Que ces pays se résignent à retomber dans une sphère d'influence russe ? Que Vladimir Poutine et ses supports en tirent la conclusion, illusoire et dangereuse, qu'une forme d'union post-soviétique russo-centrée - fondée sur un mélange de contrôle indirect, de pressions et de menace, voire d'interventions militaires brutales dans l' « étranger proche » -, est du domaine du possible ?

Cessons de projeter nos désirs et nos catégories sur la Russie ; efforçons-nous de voir les choses telles qu'elles sont et agissons en conséquence. La consolidation de l'Union européenne n'est pas compatible avec l'acceptation molle de nouvelles formes de souveraineté limitée en Europe et sur ses confins orientaux. Privilégier nos relations bilatérales avec la Russie aux dépens des intérêts de sécurité des nations d'Europe centrale et orientale interdirait à l'UE de se muer en une communauté de destin.





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