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par Jean-Sylvestre MONGRENIER, le mercredi 01 juin 2011

Le 4 juin 2011, la Russie et la Communauté économique eurasiatique examineront le cas de la Biélorussie. La monnaie nationale plonge, les finances publiques sont exsangues et l'économie bureaucratique est bloquée. Bref, cet Etat post-soviétique est menacé d'effondrement et la tyrannie d'Alexandre Loukachenko vacille sur ses bases. Le proche avenir de la Biélorussie dépend des prêts
russes et il lui sera difficile de maintenir un semblant d'autonomie politique vis-à-vis de Moscou.


Située entre la Russie et l'ensemble euro-atlantique, la Biélorussie (207 600 km² ; 9 500 000 hab.) est un Etat slave d'Europe orientale (1). Issu de la dislocation de l'URSS, cet Etat appartient à la CEI (Communauté des Etats Indépendants) dont il abrite le siège. Bien que le mouvement national indépendantiste y soit historiquement faible, la Biélorussie est l'une des trois républiques à l'origine de la CEI dont la création a précipité la fin de l'URSS. Depuis 1994, le président Alexandre Loukachenko se maintient au pouvoir par des méthodes autoritaires et la "dernière dictature d'Europe" est sous le coup de diverses sanctions mises en place par l'Union européenne (UE) et les Etats-Unis, sanctions renforcées suite à la manière dont s'est déroulée la dernière élection présidentielle (décembre 2010). Face à la crise dans laquelle la Biélorussie est plongée, les marges de manoeuvre sont limitées et le Kremlin devrait exploiter au mieux la situation.

Les difficiles relations Moscou-Minsk


La Biélorussie a une histoire proche mais distincte de la Russie du fait de l'appartenance passée de ces terres à l'Etat polono-lituanien (2). Elle s'étend dans le couloir de plaines qui s'étire depuis la mer du Nord jusqu'aux immensités sibériennes et son territoire est en situation de carrefour
géographique. S'y entrecroisent les liaisons routières et ferroviaires entre Berlin et Moscou, les axes de circulation vers l'enclave russe de Kaliningrad (ex-Königsberg) et ceux qui parcourent l'isthme Baltique-mer Noire. La Biélorussie est comparable à un corridor de circulation et elle assure le
transit d'une large part des exportations pétrolières et gazières russes vers l'Europe, via l'oléoduc Droujba et le gazoduc Iamal 1 (l'essentiel transite par l'Ukraine). Russie et Biélorussie sont donc interdépendantes aux plans logistique et énergétique mais le Nord Stream, un gazoduc germanorusse
en cours de construction sous la Baltique, devrait permettre de contourner par le nord le territoire biélorusse (il pourrait avoir pour pendant le South Stream, sous la mer Noire, un projet russe qui concurrence le Nabucco).

Au milieu des années 1990, la Russie et la Biélorussie se sont fortement rapprochées. En 1995, elles ont constitué une Union douanière prolongée par une Communauté Russie-Biélorussie l'année suivante, puis un traité d'Union (1997). Cela dit, les institutions prévues - un parlement unifié, une monnaie unique et un président commun - n'ont pas vu le jour, même s'il existe une Conseil suprême de l'Union russo-biélorusse. Sur le plan militaire, les deux pays sont liés via l'OTSC (Organisation du traité de sécurité collective) mais leurs systèmes de défense ne sont que partiellement intégrés. La Biélorussie abrite deux bases de radars russes et Loukachenko a un temps proposé le déploiement de missiles Iskander, voire de S-300, sur le territoire du pays, en réponse à la Missile Defense américaine (projets de déploiement en Pologne
et Tchéquie). Il a cependant refusé l'intégration des défenses aériennes russes et biélorusses ainsi que le placement d'unités biélorusses sous le commandement de l'OTSC.

Les intérêts croisés et la similitude des pratiques politiques entre régimes autoritaires patrimoniaux n'empêchent pas les crises et les conflits, notamment sur le pétrole et le gaz. Dans les années qui ont suivi la dislocation de l'URSS, la Biélorussie a pu acheter du gaz russe à très faible prix mais cet accord a été remis en cause en 2007, Minsk devant accepter un doublement du tarif et céder la moitié du réseau de distribution de Beltransgaz à Gazprom (3). Le conflit a ensuite porté sur le raffinage du pétrole russe en Biélorussie, celle-ci réexportant les volumes importés avec une forte plus-value (Moscou a voulu imposer une forte taxe sur le pétrole à destination de la Biélorussie).

Avec la guerre russo-géorgienne, ce conflit a pris une nouvelle dimension. Redoutant une réintégration de la Biélorussie dans la sphère russe, Loukachenko n'a pas reconnu l'indépendance de l'Abkhazie et l'Ossétie du Sud (26 août 2008), promue par Moscou sans succès au sein de la CEI et de l'OCS (Organisation de Coopération de Shanghaï). Au vrai, il s'agit plutôt d'une annexion de facto de la part de la Russie.


Un pseudo-équilibre entre la Russie et l'Occident


Lorsque Moscou a posé des conditions pour l'aide destinée à faire face à la crise économique de 2008, la Biélorussie devant intégrer la zone rouble pour en bénéficier, le conflit s'est élargi à d'autres domaines. Initialement, l'aide prévue devait être assurée en dollars mais Moscou a voulu substituer sa propre monnaie à la devise américaine, l'objectif d'une zone rouble dans la région étant réaffirmé lors du sommet OCS d'Iekaterinbourg, à la mi-juin 2009. Ce nouvel épisode est amorcé dès le 28 mai 2009, lors de la visite de Vladimir Poutine à Minsk. Le premier ministre pousse alors la Biélorussie à adopter le rouble russe en lui versant l'aide financière prévue, soit 2 Mds de dollars, dans cette monnaie. Par la suite, Alexandre Loukachenko a affirmé que Vladimir
Poutine voulait aussi lui imposer la reconnaissance de l'Abkhazie et de l'Ossétie du Sud. Ce "désaccord" a mené à un affrontement commercial, la Russie mettant en oeuvre un embargo sur les produits laitiers en provenance de Biélorussie.

Sous-tendu par des logiques de pouvoir antagonistes, le conflit Russie-Biélorussie s'est étendu à la sphère militaire, Moscou entendant lier son aide financière, ouverte à d'autres membres de l'OTSC, à une coopération militaire renforcée. C'est dans ce contexte qu'un fonds anticrise a été institué, le 4 février 2009, lors de la réunion à Moscou des pays membres de l'OTSC. Le lendemain même était annoncée la création d'un corps de réaction opérationnel de 10 000 hommes, sous commandement russe, dont une partie serait basée à Manas (Kirghizstan). La Biélorussie était censée accepter la mise en place d'une défense aérienne conjointe avec la Russie, socle d'un système commun à
l'OTSC depuis les frontières orientales de l'OTAN jusqu'à celles de la Chine, avec un centre de contrôle unique en Russie. Dans la vision russe, ces projets sont destinés à former le noyau dur de l'espace post-soviétique, garant de la stabilité en Asie centrale, pour rivaliser à terme avec les structures de l'OTAN.

Afin de contenir les pressions russes, Loukachenko s'est un temps tourné vers l'Union européenne, celle-ci ayant mis en place un "Partenariat oriental" (sommet de Prague, 7 mai 2009), possiblement élargi à la Biélorussie. La diplomatie polonaise a joué un rôle essentiel dans cette politique d'ouverture vers l'Est européen, Biélorussie comprise. La chose était pourtant improbable,
de par la nature et les pratiques du régime de Loukachenko. Depuis l'élection présidentielle de 1994, la Biélorussie est en effet l'objet de critiques et de sanctions de la part des Occidentaux pour manquements démocratiques. A plusieurs reprises, le Conseil de l'Europe et l'OSCE ont qualifié les scrutins biélorusses de "farces électorales" et, en dépit de ce qui a pu s'écrire dans les semaines précédant les élections législatives de septembre 2008, ce scrutin n'a pas dérogé à la règle. Il en aura été de même pour la dernière élection présidentielle (décembre 2010).

Retour vers Moscou

Le 19 décembre 2010, Loukachenko a été élu président pour la quatrième fois, après avoir mis en oeuvre des méthodes justement dénoncées par les chancelleries occidentales et les instances adéquates (fraude électorale, incarcération de rivaux politiques et violences diverses). Peu avant cette élection, il avait signé un accord portant sur la formalisation d'une union douanière avec Moscou et Astana (9 décembre 2010), la Russie renonçant en contrepartie à lui imposer des droits pétroliers à l'exportation (5). En dépit des multiples conflits bilatéraux, la nature du régime et les logiques de situation semblent donc aller dans le sens de liens préférentiels entre la Biélorussie et la Russie, conformément à ce que Celeste A. Wallander nomme le "trans-impérialisme" (6). Avec le Kazakhstan, la Biélorussie est l'autre pays-clef des projets russes d'intégration de l'aire postsoviétique (OTSC, Union douanière Russie-Biélorussie-Kazakhstan, Communauté économique eurasiatique), projets que Moscou voudrait ensuite étendre à l'Ukraine (Kiev privilégie encore le rapprochement avec l'UE).

Depuis l'élection présidentielle, la situation de la Biélorussie s'est fortement aggravée, et ce sur tous les plans. Le 7 avril 2011, une bombe a explosé dans le métro de Minsk, causant la mort de treize personnes et faisant de nombreux blessés (7). Loukachenko a évoqué la main de l'étranger mais aussi de possibles pistes intérieures ( "Je n'exclus pas que ce cadeau nous soit venu de l'étranger mais il faut chercher aussi chez nous", 7 avril 2011).

L'opposition institutionnelle (si l'on ose dire) n'est pas coutumière de tels faits et il n'existe pas en Biélorussie, jusqu'à nouvel ordre du moins, de
mouvement politique prônant le recours à la violence. Les relations avec la Russie ont pu être exécrables et la chaîne de télévision russe NTV (propriété de Gazprom) s'était précédemment livrée à une forme d'offensive médiatique contre Loukachenko (8). Pourtant, le président biélorusse n'a pas mentionné la piste russe. De manière plausible, certains analystes pointent plutôt les luttes entre les "clans" qui gravitent autour du pouvoir, au sein du KGB et d'autres "structures de sécurité".

Les rivalités entre "siloviki" locaux sont toutefois largement éclipsées par la gravité de la crise monétaire et financière qui, ces dernières semaines, s'est abattue sur le pays, avec en toile de fond une économie étatisée à 80% dans laquelle aucune réforme de quelque envergure n'a été véritablement entamée depuis l'indépendance. La forte augmentation des salaires et des retraites autoritairement décidée par le pouvoir à la veille des élections de décembre 2010, l'envolée des cours des hydrocarbures et l'assèchement des crédits en provenance d'Occident ont conjugué leurs effets pour déclencher cette crise. Le déficit public s'est accru, les réserves en devises ont fondu
(20% en moins) et les magasins de produits importés ont été vidés par les consommateurs pour anticiper la dévaluation à venir. Bref, la Biélorussie connaît une grave crise de liquidités et la monnaie nationale s'est effondrée (le 23 mai 2011, le rouble local a été officiellement dévalué de moitié). Il n'y a guère d'autre recours que la Russie mais cette dernière n'a rien d'un " hégémonisme bienveillant".

Vers une reprise en main ?

Loukachenko compte désormais sur un nouveau prêt de la Russie (3 Mds de dollars sur trois ans) qui serait négocié dans le cadre de la Communauté économique eurasiatique (9). La décision pourrait être prise lors de la prochaine réunion de cette organisation centrée sur la Russie, le 4 juin
prochain. Faute de réformes économiques et politiques dans le "kolkhoze à ciel ouvert" qu'est la Biélorussie, ce n'est pas cette aide financière qui pourra apporter quelque réponse de fond à la situation. De surcroît, elle n'ira pas sans contreparties et Moscou pousse à des privatisations de grande ampleur ouvertes à des groupes économiques proches du pouvoir russe.

A brève échéance, Beltransgaz pourrait passer en totalité sous le contrôle d'intérêts liés au Kremlin. De cette manière, le pouvoir russe renforcerait son emprise sur les réseaux d'acheminement des hydrocarbures vers les marchés européens. Plus largement, c'est la logique de l' "étranger proche" qui serait amplifiée, à l'instar de ce qui s'est passé en Ukraine ou dans le Sud-Caucase au cours des deux dernières années. Les choses ne vont pas dans le sens d'une "Europe une et entière" et il ne faudrait pas que l'invocation d'un vaste "espace économique et de sécurité commun" incluant la Russie occulte le phénomène.

Institut Thomas Moore 31 mai 2011

1) « Biélorussie » (Belarus) signifie « Russie blanche », le blanc renvoyant symboliquement à la liberté du fait que les Russes de ces espaces, pendant la période de domination mongole sur la Rus' médiévale (XIIIe -XVe siècles), ne payaient pas tribut au Khan des Tatars.
2) Dans leur grande majorité, les Biélorusses sont orthodoxes mais le pays compte aussi plusieurs centaines de milliers de catholiques qui vivent dans les régions les plus proches de la Pologne. Dans les villes, des communautés juives demeurent mais elles ont été fortement diminuées par l'émigration vers Israël.
3) En contrepartie de l'augmentation des prix du gaz (100 $ les 1000 m3), les droits de transit ont été doublés (1,45 $ les 1000 m3 aux 100 km).
4) Cf. Jean-Sylvestre Mongrenier, Retour sur la Géorgie, Institut Thomas More, 26 mai 2011.
5) L'Union douanière Russie-Biélorussie-Kazakhstan est issue d'un accord signé en 1995. Il s'agit en fait d'un reformatage, sur une base plus étroite, de l'Union douanière de 1993 instaurée entre les pays membres de la CEI (cet accord était resté lettre morte). L'Union douanière Russie-Biélorussie-Kazakhstan a ensuite été élargie au Kirghizstan (1996), puis au
Tadjikistan (1999). Elle constitue le socle de l'Espace économique unique institué en 1999 et, l'année suivante, de la Communauté économique eurasiatique (voir la note 9). Si ce projet d'union a des allures de serpent de mer, il n'en a pasmoins progressé et la Biélorussie a effectivement délégué sa politique douanière à Moscou, ce qui réduit de facto sa souveraineté économique.
6) Sur l'autoritarisme patrimonial russe et ses prolongements extérieurs, voir Celeste A. Wallander, « La Russie face à la mondialisation : la voie du trans-impérialisme », Politique étrangère (hors-série), IFRI-Armand Colin, août 2007.
7) L'attentat s'est produit à la station Oktiabrskaïa, à une centaine de mètres du siège de la présidence et du quartier général du KGB, pilier politico-sécuritaire du régime de Loukachenko.
8) Cf. Anaïs Marin, La guerre médiatique, nouvel outil de pression russe sur le régime biélorusse, in "La Russie et son ‘étranger proche'" (dossier dirigé par Sophie Tournon), Regard sur l'Est (www.regard-est.com), décembre 2010.
9) Sur la base de l'union douanière mise en place en 1995 (voir la note 5), le traité d'Astana du 10 octobre 2000 institue une Communauté économique eurasiatique qui comprend la Russie, la Biélorussie, le Kazakhstan, le Kirghizstan et le Tadjikistan.
Dans cette « communauté », l'Ukraine et la Moldavie ont un statut d'observateur depuis 2001, l'Arménie depuis 2003. L'objectif proclamé est de former un marché commun et de coordonner les politiques économiques. Moscou voudrait que l'Ukraine rallié complètement cette organisation. Sur ces projets d'intégration économique, voir David Teurtrie, Géopolitique de la Russie. Intégration régionale, enjeux énergétiques, influence culturelle, L'Harmattan, Collection « Pays de l'Est », 2010,
pp. 57-69.


Jean-Sylvestre MONGRENIER, Chercheur associé à l'Institut Thomas More, Chercheur à l'Institut Français
de Géopolitique (Université Paris VIII Vincennes-Saint-Denis).

http://www.institut-thomas-more.org

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