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par Violaine Hacker, le jeudi 24 janvier 2008

A propos du livre de Bruegel : Fragmented power : Europe and the Global Economy

Violaine Hacker propose ici une lecture approfondie de "Fragmented Power : Europe and the Global Economy", publié par le think tank européen Bruegel. Cet ouvrage, très attendu, offre enfin une analyse globale des politiques extérieures et des interactions de l'Union européenne, "acteur accidentel", avec son environnement international.


L'Union Européenne est un pouvoir économique global et régional incontesté. Elle n'est toutefois pas encore parvenue à donner un sens à sa place et à son rôle dans la mondialisation. Certes, après la doctrine du market access de Sir Leon Brittan, P. Lamy pensait que l'action stratégique de l'Europe en matière de gouvernance mondiale pourrait se construire autour d'une réactivation d'institutions internationales existantes capables d'exprimer des préférences collectives mondiales.

La présence européenne ne se manifesterait pas uniquement à travers les règles du commerce ou de la finance, mais également par son activité régulatoire en matière environnementale et sociale. Ecartant l'idée d'une globalisation maîtrisée et de l'influence du modèle européen, la communication de P. Mandelson d'octobre 2006 ("Global Europe : Competing in the World") a, quant à elle, reconnu le besoin d'un approche intégrée et cohérente des challenges internes et externes. Un fossé s'est progressivement creusé entre le besoin d'une politique cohérente et intégrée et l'action commune.

Bruegel propose ainsi une analyse globale des politiques extérieures et des interactions de l'UE, "acteur accidentel"(1), avec son environnement international. Le think tank nous apprend à penser la conjoncture et les enjeux, c'est-à-dire la dynamique des forces, l'arbitrage entre l'hétérogénéité des préférences, les économies d'échelle et les externalités réciproques.

A. Sapir rappelle, dès le premier chapitre, les trois grands objectifs de l'UE en matière de politique étrangère (politique de voisinage, défense du multilatéralisme et lutte contre les menaces à la sécurité), et considère que l'UE n'est pas efficace compte tenu de sa fragmentation. Or on apprendra dans le second chapitre que ce choix des modèles de gouvernance serait davantage hérité de l'histoire (d'une Idée directrice,(2) ou du choix politique), que soumis à de réels critères rationnels d'efficacité. Les politiques justifient les changements en tenant compte de valeurs anciennes. Le diagnostic critique fourni par cette réflexion substantielle, dirigée d'une main de maître par Jean Pisani-Ferry, est encadré par une démarche heuristique très rigoureuse.

Le lecteur restera néanmoins un peu sceptique sur la manière dont est effectuée la démonstration, cette thèse présentée dès les premiers chapitres n'étant pas développée dans l'étude concrète des politiques publiques des chapitres suivants. Ceci rend la compréhension de l'ouvrage particulièrement ardue : tout se passe comme si l'on devait témoigner soi-même du mérite d'accéder à la compréhension du projet européen en matière commerciale ! Mais cette remarque, qui participe déjà de la disputatio, nous a justement permis de nous interroger, et de comprendre que l'UE ne souffre pas tant de sa fragmentation, que de son manque d'orientation.

Si elle est un pouvoir fragmenté, l'UE n'est donc pas encore consciente de ce vers quoi son unité devrait être orientée. Doit-elle être à l'origine des standards et normes qui gouvernent le monde, ou doit-elle se focaliser sur ses propres intérêts, en s'assurant que la globalisation lui permettra de prospérer ?


Choix politique et modèle de gouvernance


Alors que la recherche américaine semblait sur ce point plus avancée, Fragmented Power constitue une œuvre majeure, car elle interroge enfin sur la structure pluraliste et la variabilité de la décision. Grâce à des postulats clairement mis en évidence et à une capacité réitérée à l'autocritique, cette analyse valide l'Idée de Fédéralisme (non celle de l'Etat fédéral), basée sur le modèle d'association (non pas sur la contrainte).

Le pouvoir dépend, en effet, de la nature de l'obligation. Comme le confirme la notion de compétence implicite, il ne faut pas seulement tenir compte du domaine, mais aussi du contenu et de la nature de l'accord, de façon "globale et concrète" (3).

De façon pragmatique, les auteurs recensent ainsi quatre critères empiriques liés au choix politique (ou à l'historicité politique) : la nature de la tâche, la nature évolutive de l'agenda, la position offensive ou défensive, les effets distributifs entre les Etats. Chaque modèle de gouvernance (malheureusement pas définis par le think tank) renvoie à une Idée d'œuvre. La délégation (sous conditions) serait alors préférable, pour un agenda de long terme, quand un niveau d'expertise technique est requis, que les préférences sont stables et que le risque de dépendre d'intérêts particuliers est élevé, et enfin si les effets distributifs à travers les générations sont limités (cas de la concurrence, de la finance et politique macroéconomique internationale).

La coordination (ou une délégation des pouvoirs qui serait supervisée) est souhaitée dans les cas où les choix de préférences restent incertains, que les effets redistributifs sont larges, et que les risques de dépendre des intérêts sont plus limités. Enfin, le choix de la centralisation devrait être favorisé pour certaines politiques soumises à des préférences homogènes, avec économies d'échelle et externalités.


Pour un modèle d'association efficace


Traitant de la cohérence de huit politiques publiques, Bruegel interroge sur l'optimalité des choix et préconise un certain modèle d'association.

En matière de politique énergétique extérieure, face à la dissymétrie des risques entre les Etats pour la sécurité des fournitures et à des préférences différentes sur le mix énergétique, il apparaît que les choix sont dictés seulement par l'intérêt de fabrication du marché domestique avec un trade-off à gérer entre des objectifs différents. En situation de conflits géopolitiques et de rareté, la sécurité devient un impératif d'Etat croissant. La concurrence sur le marché mondial entre les Etats rend difficile la possibilité de parler d'une seule voix. La libéralisation n'a pas été accompagnée de mécanismes de gestion de crise, et l'absence de crise structurelle a contribué au repli national.

Pour Bruegel, la mise en œuvre du marché unique nécessite donc plus de coordination des politiques d'approvisionnement. Plutôt que de proposer de nouvelles compétences dans le domaine des relations extérieures, la Commission devrait aussi utiliser sa compétence en politique commerciale et coordonner les relations bilatérales avec, à la fois les producteurs et les consommateurs, afin de négocier des termes équivalents pour tous les Etats membres.

En matière de politique de concurrence, l'UE doit aussi assumer à la fois la dimension extérieure croissante (extensions et dialogue international, accords bilatéraux et régionaux) et ses conflits intérieurs (patriotisme économique, par exemple). Il faut donc reconnaître la pluralité des objectifs, les limites du principe d'extraterritorialité et le besoin de coopérer davantage. Les conflits d'objectifs entre la politique commerciale (en principe, favorable aux producteurs) et la politique de concurrence (avec en arrière plan la protection des investisseurs et des consommateurs) doivent être reconsidérés.

Pour Bruegel, des pouvoirs (avis) régulatoires pourraient donc être confiés aux autorités de concurrence, et une Agence européenne de la concurrence devrait être indépendante des Etats membres (sur le modèle de la BCE). Etonnante proposition qui fragiliserait pourtant l'UE, car aucun de nos partenaires commerciaux ne le fait, et l'appréciation économique doit rester un arbitrage politique par le collège des commissaires, garant de l'intérêt général. Au sein de l'OMC, Bruegel souhaite aussi favoriser l'institution d'un organe de justice parallèle à l'ORD pour les cas non commerciaux. Le système multi-niveaux devrait être davantage favorisé et associé à une Cour internationale de justice pour la concurrence. Ajoutons que s'il n'y a pas de théorie de la politique de concurrence optimale, elle pourrait toutefois être aussi considérée comme un instrument de gouvernance au service de la stratégie de Lisbonne, et être liée aux instruments de défense commerciale via les aides d'Etat. La dimension externe ne peut plus être négligée. La coopération bilatérale peut toutefois être sans valeur dès lors que les lois ou intérêts entrent en conflits.

Compte tenu de la contradiction entre le désir d'intégration financière intérieure et la supervision par les Etats membres, une Communauté d'intérêts dans le domaine financier est un objectif essentiel et pourrait être crée une institution financière comparable à ce que l'Union fait pour la politique de concurrence.

Bruegel souhaite aussi une approche harmonisée favorable à une immigration des plus qualifiés (associée à un délai d'intégration dans les régimes sociaux). Celle-ci devrait prévaloir sur une extension rapide des droits pour les moins qualifiés (le bénéfice net de l'immigration serait moins important quand il s'agit d'une immigration fondée sur un mixte des compétences).

Il ressort que la diplomatie reste une question de responsabilité nationale. Pourrait toutefois être déléguée la responsabilité au nouveau Haut Représentant pour la PESC en matière d'énergie et d'immigration. Serait aussi créé un Haut-Représentant pour les Affaires économiques et monétaires avec une double casquette (Conseil-Commission), ce qui faciliterait la représentation extérieure de l'Euro.


Nouvelles stratégies dans l'agenda global


Les plus gros challenges de la politique commerciale viennent des puissances émergentes qui obligent à repenser les politiques et les institutions mondiales, mais aussi à développer une nouvelle stratégie permettant d'identifier les fondements des accords commerciaux multilatéraux. Les limites de la libéralisation tarifaire multilatérale paraissent atteintes. Le Doha Round est bien en-deçà des ambitions initiales, notamment européennes, même si la conclusion d'un accord viendrait compléter la libéralisation antérieure du commerce des marchandises manufacturières. Il reste en effet difficile d'intégrer le commerce dans une vision plus large de la gouvernance de la globalisation, au-delà des enjeux d'accès au marché qui étaient prioritaires lors de l'Uruguay Round. L'UE a alors voulu élargir la négociation commerciale au champ de la régulation, sans y parvenir, faute d'avancer sur des critères d'équité associant commerce et développement, et de construire un système d'alliances. L'accord de Doha a minima reste néanmoins important dès lors qu'il permet de sauvegarder une perspective multilatérale.

Pour S. J. Evenett, repenser la politique commerciale exige de se détacher de l'opposition bipolaire-multipolaire. Un agenda de règles au niveau multilatéral doit être recherché, au détriment de la doctrine du simple market access. Or, en se référant à cette ancienne conception, la décision de la Commission d'octobre 2006 de reprendre la négociation des FTAs risque de miner le système multilatéral. Est-ce là l'intérêt européen quand trois quarts des importations de l'UE entrent dans des accords non préférentiels, et les perspectives d'accords bilatéraux avec l'Inde, les pays de l'ASEAN ou la Corée risquent d'être fort décevantes. De plus, trop peu d'attention est consacrée aux accords non réciproques de voisinage. Les intérêts défensifs et offensifs des pays émergents (dont les choix domestiques comptent) doivent donc être identifiés, en particulier dans les réformes commerciales visant à la réciprocité (notamment garanties pour les investisseurs et obstacles structurels aux échanges). Bien que les préférences communautaires soient difficilement acceptées par les Etats tiers, il ne faut pas se désengager de l'OMC (ou pire, instaurer des barrières tarifaires). Des combinaisons alternatives d'obligations formelles avec incitations positives ou négatives, ainsi que d'autres initiatives internationales permettraient de faire respecter les valeurs de l'UE.

La réforme de la politique de développement est une priorité de long terme dans l'agenda. Son efficacité est faible. La coordination entre aide communautaire et aide bilatérale doit être améliorée en mutualisant les ressources au niveau de l'UE, ou en confiant la coordination au pays donateur désigné. L'opinion publique serait favorable à une centralisation. Cette politique peut venir comme appui conditionnel à la capacité d'insertion des pays aidés dans la globalisation. Elle doit aussi trouver une place cohérente avec la politique commerciale. Or les pays à bas revenus se heurtent à de nombreux obstacles pour leur exportation (obstacles non tarifaires, protectionnisme agricole européen) abaissant l'impact des préférences qui leur sont consenties.

Les régions de voisinage présentent un potentiel de développement important à long terme, particulièrement en Afrique noire. C'est pourtant sur cette composante de l'agenda que, souligne l'ouvrage, l'Europe est la moins efficace. Le système de préférences n'est plus un outil majeur d'appui commercial au développement. A long terme, il faudrait encourager une phase de profonde libéralisation multilatérale, avec une élimination complète des protections par les pays industrialisés sur le fondement d'un calendrier gradualisé. L'UE doit construire des alliances autour de propositions en ce sens.

Bruegel encourage aussi une meilleure représentation dans les affaires monétaires et financières, avec une progressivité didactique est intéressante : commencer par la consolidation de la représentation au FMI (argument de la zone euro). Plus concentrée, la représentation européenne serait mieux écoutée. La surreprésentation européenne actuelle est facteur d'impuissance et contribue à miner la légitimité des organisations internationales, les puissances émergentes se repliant vers des organisations régionales.

De plus, cette situation incite au bilatéralisme (USA-Chine). L'Europe n'a pas de ligne de conduite, et sa sur-représentation face à la sous-représentation de la Chine l'handicape et la délégitimise. Constater la fragmentation et posséder moins de sièges pourraient favoriser son influence. Il faut réformer les institutions de Bretton Woods et les autres comités afin que l'UE parle d'une seule voix.

Quant à l'agenda transatlantique, la relation respecte le cadre du système commercial multilatéral, mais les difficultés majeures rencontrées se situent au niveau des marchés financiers. L'approche a visé à inclure les exigences de régulation dans les accords de libre échange bilatéraux ou régionaux (FTAs) qui engendrent des réciprocités. Elle prépare favorablement une coopération multilatérale adéquate, malgré une éventuelle poussée de concurrence entre les E-U et l'UE.

Le potentiel de négociation de l'UE dans le domaine de la régulation avec ses partenaires dépend donc surtout de son habilité à améliorer son propre régime régulatoire interne. Si le pouvoir désigne la capacité à structurer les contextes d'interaction à son avantage, l'UE doit déterminer la dimension du choix politique qui lui permettra de s'imposer dans la mondialisation malgré sa fragmentation. Reste donc à définir ce qu'est l'intérêt européen !


(1) J. Pisany-Ferry, ‘The Accidental Player : the EU and the Global Economy', lecture delivered at the Indian Council for Research on International Economic Relations, 25 novembre 2005, Delhi, www. Bruegel.org.
(2) Voir V. Hacker, L'institutionnalisation de l'Union. Temps, durée et équilibre dans l'exercice de la puissance publique, thèse de Doctorat, Sorbonne, 2006.
(3) Avis de la C.J.C.E. rendu le 7 février 2006. Voir F. Mariatte, « Le critère et la méthode, ou la théorie des compétences externes implicites exclusives revisitée », Europe Mai 2006, nº 20, p. 2 [ndrl].


Article publié dans la Lettre de Confrontations Europe, n°81, janvier 2008.

Violaine HACKER est coordinatrice des Etudes et responsable du groupe de travail Mondialisation à Confrontations Europe.

http://confrontations.org

http://www.bruegel.org

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