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par Panayotis Soldatos , le lundi 07 janvier 2013

La crise de la zone euro, tout en illustrant les insuffisances structurelles-fonctionnelles d'une union monétaire inachevée, sans intégration macro-économique rigoureuse ni contrôles- sanctions de type supranational et judiciarisé, sans progression suffisante du processus de convergence-harmonisation fiscale, sans véritable union bancaire (celle qui se profile depuis le Conseil européen des 13-14 décembre dernier comporte les ambiguïtés des habituelles tractations intergouvernementales et reste, dans plusieurs de ses composantes, privée de fondements juridiques clairs et durables), a également permis de prendre la juste mesure du déficit de légitimité et de rationalité décisionnelle que comporte la construction d'une union économique et monétaire (UEM), même elliptique, sans progression parallèle du projet d'union politique de l'Europe.


Et pourtant, alors que le discours politique au sein des institutions de l'Union et de certains gouvernements d'États membres, en particulier en Allemagne, soulignait, surtout depuis septembre dernier, l'impératif d'une union politique, pierre angulaire, instrumentale et identitaire, d'une union économique et monétaire parachevée et pérenne, laissant présager un sursaut intégratif, le Conseil européen des 13-14 décembre 2012, victime prévisible d'une règle d'or de l'intergouvernementalisme, celle du consensus a minima, autour de dénominateurs communs bas, a reporté sine die (malgré certaines références de convenances pour une reprise du dossier politique à l'horizon de 2014) selon les optimistes, aux calendes grecques selon les pessimistes, le dossier de la fédéralisation de l'Europe, «sujet qui fâche» certains gouvernements et majorités électorales, longtemps «travaillées» par les discours souverainistes qu'ils ont voulu nourrir ou n'ont pas su empêcher.

Cette manifestation de procrastination du Conseil européen n'est, certes, pas le fruit d'un étapisme de sagesse décisionnelle : la table était déjà mise par son président, qui, de concert avec les présidents de la Commission, de la BCE et de l'Eurogroupe, a su présenter une feuille de route pour que l'achèvement d'une véritable UEM soit inscrit dans un plus vaste et plus approfondi processus d'unification politique; quant à la rationalité d'un tel encadrement politique de l'intégration économique, elle était déjà évidente aux acteurs concernés, du fait du besoin d'institutions légitimes de gouvernance économique et de mécanismes décisionnels efficaces de solidarité, soit aux traits de cohérence, de rapidité et d'équité. Or, il s'agissait, plutôt, d'épargner au président Hollande une crise au sein de sa majorité présidentielle, toujours divisée sur la perspective fédérale de l'Europe, à la chancelière Angela Merkel des difficultés politiques dans une période électorale semée d'embûches, d'ici l'automne 2013, et à d'autres leaders nationaux la fragilisation de leurs majorités gouvernementales et les attaques déstabilisatrices des segments eurosceptiques, voire europhobes, de leurs élites et populations. Ici encore, la rationalité du projet politique européen resta subordonnée aux réalités et cycles politiques nationaux, et l'efficacité-opérationnalisation des schémas d'intégration économique aux arythmies, incohérences et aléas des consensus intergouvernementaux.

Au-delà de ces contraintes de politique interne pesant sur les dirigeants européens, le report de l'adoption d'une feuille de route pour l'union politique était aussi prévisible pour un certain nombre d'autres raisons, ayant trait au jeu des conditions intégratives nécessaires pour un tel «bond en avant» de l'Europe. En effet, lors des grandes réformes d'approfondissement constitutionnel des Communautés européennes et de l'Union européenne de la seconde moitié des années 80 et de la première moitié des années 90, on s'appuyait, pour l'essentiel, sur une solide force directionnelle, constituée du rôle supranational d'initiative innovante et motrice du président de la Commission et de la volonté politique de relais du couple franco-allemand, d'autres dirigeants nationaux s'arrimant à ce noyau dur. Or, les fissures, de plus en plus visibles, dans la relation du tandem de puissance France-Allemagne, les initiatives, souvent réactives et, selon le cas, épisodiques, arythmiques et sans préparation stratégique ni capacité d'entraînement d'inspiration, du collège des commissaires et de son président (surtout, depuis la constitutionnalisation du Conseil européen et de ses pouvoirs, faisant de celui-ci le centre de gravité d'une gouvernance européenne à prédominance intergouvernementale et anéantissant, du même souffle, les espoirs de la Commission de s'ériger en gouvernement supranational unique de l'Union) et l'effacement, dans la crise, du leadership d'autres grandes puissances traditionnellement pro-européennes des Vingt-Sept (notamment, de l'Espagne et de l'Italie, plongées dans et préoccupées par la crise de leurs finances publiques) ont entamé les chances de succès du projet de fédéralisation d'une Union en crise profonde. Pour ce qui est, plus spécifiquement, des dissensions au sein du couple franco-allemand, leur impact paralysant nous rappelle un autre rendez-vous manqué, celui des difficiles et cacophoniques négociations du traité de Nice et du processus de réforme dans l'après-Nice, avec, notamment, l'immobilisme-scepticisme du Ministre français des Affaires étrangères Hubert Védrine, qui n'a pas su appuyer son homologue allemand Joschka Fisher, dans son projet fédéraliste, pour faciliter ainsi des avancées essentielles vers l'union politique.

Ce découplage du processus d'achèvement de l'UEM de celui de la réalisation d'une union politique, s'il devient définitif, ne pourra que compromettre l'ensemble du projet monétaire et socio-économique de l'UE. En effet, seule la condition préalable sine qua non d'une fédéralisation de l'Union permettrait de légitimer une véritable union économique et monétaire à la fois de rigueur et de solidarité (discipline budgétaire supranationale, dans son contenu et sanctions; capacité budgétaire de la zone euro; politique socio-économique commune de la croissance; mutualisation des dettes et des coûts sociétaux d'une discipline macro-économique afférente, au niveau des États membres; etc.), aujourd'hui elliptique et soumise au déficit démocratique de son cadre institutionnel-décisionnel.

En revanche, les échafaudages segmentés des temps présents, avec, notamment, le Pacte de stabilité et de croissance, le MES (Mécanisme européen de stabilité), le Pacte budgétaire et le schéma de supervision bancaire, ne permettent pas de bénéficier d'une unicité de cadre intégratif, ni de s'inscrire pleinement dans la légitimité-rationalité de la méthode communautaire, privés ainsi de l'action de légitimation du Parlement européen et du rôle directionnel supranational de la Commission. Y demeurer conduirait une accentuation des réactions (nous en avons déjà des manifestations, devant le déficit démocratique de tels échafaudages, avec, entre autres, l'hésitation-opposition, en matière d'engagements financiers d'intervention, de parlements nationaux de pays du Nord européen ou de juridictions constitutionnelles, comme la Cour constitutionnelle allemande de Karlsruhe — par exemple, dans son arrêt sur le MES) en cas d'importantes et récurrentes interventions de solidarité sociale et macro-économique de l'UE, au niveau des contribuables et des institutions politiques des pays membres (penser à la règle «no taxation without representation») qui en porteraient le fardeau.

C'est ainsi que, faute de fédéralisation, avec, entre autres, la transformation du Parlement européen en chambre fédérale, on s'oriente, en amont ou en aval des mesures d'intervention financière, vers le rôle de consentement, ad hoc ou institutionnalisé, des parlements nationaux, avec toutes les lourdeurs, incertitudes et dérapages, dans cette Union européenne déjà élargie et en processus de futurs élargissements, qu'entraînerait le grand nombre de parlements nationaux et de configurations politiques; qui pis est, un tel processus de renationalisation de l'intégration européenne, avec la réinsertion des parlements nationaux (malgré la rupture, avec l'élection du PE au suffrage universel, du cordon ombilical reliant les parlements nationaux au processus décisionnel européen), amorcé lors des diverses réformes constitutionnelles de l'Union, risque d'être accentué, allant ainsi dans la mauvaise direction pour la réduction du déficit démocratique et la meilleure fonctionnalité de l'Union économique et monétaire, plutôt que d'emprunter la voie de l'accroissement, en cette matière, dans une optique de fédéralisation, des pouvoirs du Parlement européen.

In fine, et pour soumettre une union économique et monétaire parachevée à une gouvernance d'union politique, il importe d'amorcer, avec une feuille de route consistante et cohérente, le processus de fédéralisation du système, moyennant, certes, une révision des traités et comportant, entre autres : une Commission dirigée par un président, éventuellement, directement élu, et investie, comme collège, uniquement par le Parlement européen, sans l'aval, in fine, du Conseil européen, comme le prévoit le traité de Lisbonne; un Ministre des Finances de l'Union, provenant des seuls rangs de la Commission et selon la même procédure de nomination que pour les autres membres du collège des commissaires, dont il serait, également, le vice-président (loin donc de la procédure duale de nomination du Haut Représentant pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, celle de l'accord commun du Conseil européen et du président de la Commission) et doté, entre autres, d'importants pouvoirs de contrôle des budgets nationaux, dans un cadre révisé du Pacte budgétaire; un Parlement européen qui étend ses pouvoirs décisionnels et législatifs à cette nouvelle union économique et monétaire (union budgétaire, voire macro-économique; union fiscale; union sociale; union bancaire); une atténuation du haut degré d'intergouvernementalisme introduit par la «constitutionnalisation» du Conseil européen, en attribuant la présidence de ce dernier au président de la Commission (le traité de Lisbonne permet ce cumul de mandats, seule l'incompatibilité avec un mandat national étant prévue au niveau du président du Conseil européen) et faisant, également, de ce dernier, le président des sommets de la zone euro (on s'attaquerait ainsi à la fois à la dynamique d'intergouvernementalisation et à la polyarchie dans l'Union, tout en prévenant d'éventuelles cacophonies de cohabitation entre les actuels présidents, qui ne se sont, toutefois, que peu manifestées, essentiellement, en raison du pragmatisme des titulaires).

À défaut, le découplage, choisi à Maastricht, de l'union monétaire de la nécessaire union économique complète, la crise dans la zone euro et la longue paralysie avant ces débuts d'action, les constants reports des solutions rationnelles et urgentes à des dates ultérieures, l'absence de constance dans le discours politique et de volonté politique de fédéralisation dans les schémas adoptées nous ramènent toujours à des aggravations de situations et à des coûts socio-économiques additionnels, pendant que, dans l'environnement international, les autres grandes puissances et puissances émergentes poursuivent leur marche de maîtrise de la globalisation. Si l'Union poursuit sa marche des petits pas sur fond de procrastination et refuse l'incontournable logique de fédéralisation, l'implosion et la dérive libre-échangiste seront, malheureusement, au rendez-vous.

Et, à ceux qui voudraient considérer d'utopique cette affirmation du besoin de «plus d'Europe», notamment d'Europe politique, nous pourrions répondre par la pensée pragmatique de Jean Monnet : «Renoncer à une entreprise parce qu'elle rencontre trop d'obstacles est souvent une grave erreur : ces obstacles sont, au contraire, les aspérités auxquelles peut s'attacher l'action» (Mémoires).


Panayotis Soldatos est Professeur émérite de l'Université de Montréal et 
Titulaire d'une Chaire Jean Monnet ad personam à l'Université Jean Moulin– Lyon 3

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